DISCOURS DE M. ZHAO JINJUN AMBASSADEUR DE CHINE EN FRANCE A LA CONFERENCE D'OUVERTURE A LA MISSION D'ETUDES DE LA 58e SESSION NATIONALE DE L'IHEDN
2006-04-18 00:00

Mesdames et Messieurs les auditeurs,

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je suis très heureux de venir vous rencontrer et de tenir cette conférence d'ouverture à la mission d'études de la 58e Session nationale de l'Institut des Hautes Etudes de Défense Nationale, qui vous conduira très prochainement dans mon pays. En tant qu'ambassadeur de Chine, je ne peux que me féliciter de votre choix pertinent et me réjouir de l'occasion qui m'est ainsi offerte pour procéder à un premier échange de vues avec vous sur la Chine à la veille de votre départ.

Mon intervention s'articulera sur quatre axes : 1) la Chine d'aujourd'hui et de demain ; 2) le développement pacifique de la Chine ; 3) sa politique de défense nationale ; et 4) les relations de nos deux pays ainsi que leurs échanges militaires.

La Chine, pays en développement le plus peuplé du monde, se trouve dans une période marquée par le développement le plus rapide et la mutation la plus profonde de son histoire. Depuis le lancement de la politique de réforme et d'ouverture sur l'extérieur il y a 26 ans, son économie s'est accrue de 9,5% en moyenne par an, et son commerce extérieur, de 16% par an. La population rurale vivant au-dessous du seuil de la pauvreté est ramenée de 250 millions il y a 26 ans à 23 millions aujourd'hui. En 2005, son PIB a connu une croissance de 9,9%, avec un agrégat supérieur à 2 200 milliards USD. Ses importations ont dépassé 600 milliards de dollars. Par ailleurs, quelque 31 millions de Chinois ont voyagé à l'étranger. On recense aujourd'hui 100 millions d'abonnés à Internet et 400 millions d'utilisateurs de téléphone mobile. Tous ces chiffres montrent que la Chine figure parmi les pays qui affichent les courbes de croissance les plus fortes et qu'elle représente aujourd'hui l'un des plus grands marchés du monde, doté d'une grande potentialité.

Dans le cadre du 11e plan quinquennal, qui sera mis en œuvre à partir de cette année, le gouvernement chinois accordera une plus grande importance au développement des régions rurales et l'appuiera davantage par le biais de l'allocation de fonds financiers et du développement des infrastructures et de l'éducation. La Chine est aujourd'hui plus que jamais attachée à la qualité et à l'efficience de la croissance économique ainsi qu'à la protection de l'environnement, soucieuse de construire une société d'harmonie, harmonie entre l'homme et la nature, harmonie entre l'homme et le développement économique.

Nous avons pour objectif à long terme d'atteindre 4 000 milliards USD de PIB en 2020, soit 3 000 dollars par tête d'habitant. Pour ce faire, la Chine s'en tiendra fermement à sa politique fondamentale de réforme et d'ouverture et à une conception scientifique de développement. Nous sommes profondément convaincus que la demande intérieure de 1,3 milliard d'habitants sera le moteur et une garantie importante pour une croissance soutenue, régulière et durable de l'économie chinoise.

J'aimerais vous développer ici ma vision du socialisme aux couleurs chinoises. Il s'agit d'édifier une société qui s'ouvre à l'extérieur et qui sache innover pour progresser et se perfectionner. La réforme et l'ouverture sur le monde extérieur accompagneront la Chine dans tout son processus de modernisation. Cette réforme est globale et permanente, qui ne se limite pas aux volets économiques, mais touche également le système politique, la culture et la gouvernance du pays. C'est un processus en mouvement constant.

Si les progrès considérables obtenus par la Chine sont incontestables, il ne faut pas pour autant perdre de vue que dans l'ensemble, la Chine, très peuplée, reste un pays doté d'une base économique fragile et marquée par un développement déséquilibré. En effet, avec un revenu par tête d'habitant de 1700 dollars, elle se classe derrière le 100e rang dans le monde. Elle fait face à nombre de difficultés : les disparités entre l'Est et l'Ouest, l'écart entre les villes et la campagne, l'irrationalité de la structure économique et du mode de croissance. A cela s'ajoutent une pression forte démographique due à l'augmentation en moyenne de 10 millions de personnes chaque année et au vieillissement de la population, ainsi que les grands défis de la protection de l'environnement. On peut en tirer comme conclusion que la Chine reste un pays en développement, qui a encore un long chemin à parcourir avant de moderniser complètement le pays et de rattraper les pays industrialisés. Mais le peuple chinois sera indéfectible et persévérant dans ses efforts pour construire un pays socialiste moderne, puissant, démocratique, civilisé et ouvert.

Mesdames et Messieurs,

La Chine s'est engagée résolument dans une voie de développement pacifique. Ce n'est pas un choix de circonstance, mais une stratégie à long terme de la Chine.

Toutes les personnes clairvoyantes reconnaissent que le développement de la Chine représente une chance et non une menace pour le monde. Un pays qui compte le cinquième de la population totale du monde cherche et tente de frayer une voie permettant à un pays très peuplé et sous-développé économiquement de se moderniser. Sa stabilité et son développement constituent une contribution au progrès du monde.

L'ouverture de la Chine et son engagement dans la mondialisation économique représentent un processus dans lequel les autres pays du monde peuvent participer au partage des acquis. La Chine n'a jamais été aussi ouverte sur l'extérieur. Dès son adhésion à l'OMC, elle exécute consciencieusement ses engagements. Entre 2001 et 2005, le niveau moyen des droits de douanes est passé de 15,6% à 9,9%. Des 160 sous-secteurs et activités classés par l'OMC comme services, 80% sont aujourd'hui ouverts à la concurrence étrangère dans les pays développés, et 20% à 40% dans les pays en développement. En Chine, ce taux s'élève à 62%. Les investisseurs étrangers ont implanté plus de 500 000 entreprises en Chine et ils ont rapatrié, au cours des quinze années écoulées, plus de 250 milliards de dollars de bénéfices.

On peut affirmer sans aucune exagération que le développement rapide de la Chine est un moteur important pour la croissance mondiale. Par ailleurs, cela permet aux autres pays en développement d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine d'obtenir des progrès tangibles dans leur coopération économique et commerciale avec la Chine. La coopération Sud-Sud trouve devant elle des perspectives plus prometteuses.

Mais le développement de la Chine ne saurait se faire sans un environnement régional et international fait de paix et de stabilité. Par ailleurs, la nature pacifique de ce processus de développement est profondément ancrée dans la tradition culturelle et historique de la Chine. C'est un processus conforme à la loi de l'évolution naturelle de l'histoire. En effet, la pensée confucéenne, vielle de 5 000 ans, qui s'articule sur la « paix » représente toujours la ligne de conduite des Chinois. Le grand maître Confucius, tant vénéré des Chinois, disait : « Rien n'est plus précieux que la paix », « l'entente n'est pas incompatible avec les divergences », « l'harmonie passe par l'entente des peuples », et encore « ne faites jamais à autrui ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fasse ». Au cours des 5 000 ans, la Chine figurait, dans la plupart du temps, parmi les pays les plus puissants et les plus développés sur le plan économique et culturel, que ce soit en Asie ou dans le monde. Mais elle n'a pas pour autant cultivé une tradition expansionniste ou une tradition d'hostilités contre d'autres pays pour s'arroger des sphères d'influence. Si les Chinois ont inventé la poudre, c'était pour fabriquer des feux d'artifice plutôt que des armes à feu. Si le grand navigateur chinois ZHENG He a découvert le nouveau continent un demi-siècle avant Christophe Colomb, il a emmené avec lui de la soie, du thé et de la porcelaine plutôt que la guerre et l'occupation.

Dans le nouveau contexte où nous nous trouvons aujourd'hui, nous préconisons plus que jamais la paix, le développement et la coopération. La paix profitera à la coopération, la coopération contribuera au développement, et le développement nous permettra de promouvoir la démocratisation des relations internationales, la diversification des modes de développement ainsi que l'évolution du monde vers la multipolarité.

Dans les relations économique et commerciale internationales, la Chine recherche le bénéfice mutuel, le gagnant-gagnant et un développement partagé. Elle souhaite mettre en valeur la complémentarité entre les pays et résoudre les différends par voie de concertation et de dialogue sur un pied d'égalité. La Chine est prête à intensifier ses échanges amicaux et sa coopération globale avec les autres pays du monde et à œuvrer ensemble avec eux pour la paix et la prospérité de l'humanité tout entière.

Mesdames et Messieurs,

La Chine poursuit une politique défensive pour la défense nationale et une politique extérieure d'indépendance et de paix. Elle s'engage résolument dans une voie de développement pacifique. Elle n'a pas du tout l'intention, et d'ailleurs elle n'en a pas les moyens, de se doter d'arsenal d'armement colossal. Mais compte tenu de ses 22 000 km de frontières terrestres et de ses 18 000 km de côtes maritimes, et de l'impératif de la réunification nationale, une cause encore inachevée, la Chine se trouve dans une situation sécuritaire plus complexe que beaucoup d'autres pays. Ainsi la Chine est-elle amenée à faire des efforts adéquats pour renforcer la défense nationale.

En 2006, le budget chinois de la défense est de l'ordre de 35,1 milliards de dollars, soit une hausse de 14,7% par rapport à 2005. Mais à en juger par la valeur absolue et par le ratio par rapport au PIB, c'est une enveloppe relativement modeste. En comparaison avec le pays le plus dépensier du monde, la dépense militaire de la Chine ne représente que 7% en valeur absolue du montant total et moins d'un vingtième pour l'enveloppe par militaire. Alors que le budget militaire représente 2,5% à 5% du PIB de la plupart des pays et régions, la Chine va dépenser 1,4% de son PIB pour la défense nationale.

En outre, la politique de défense et le budget militaire chinois sont transparents. La publication successive par le gouvernement chinois depuis 1995 de 5 livres blancs sur la défense peut en témoigner. Il est dit dans la Constitution que la Chine ne se livrera jamais à l'expansion ni prétendra à l'hégémonie.

Mesdames et Messieurs,

J'arrive ainsi à la dernière partie de mon intervention : le bilan des relations sino-françaises. Comme vous pouvez le constater, elles connaissent la meilleure période de leur histoire.

D'abord, sur le plan politique, la Chine et la France partagent des vues identiques sur un grand nombre de dossiers et se soutiennent mutuellement sur tous les sujets qui préoccupent l'une ou l'autre partie. C'est le cas pour la Chine sur le dossier de Taiwan, sur la levée de l'embargo. C'est le cas pour la France sur le dossier ITER. Les deux dernières années ont été marquées par des échanges de visites très fréquents, et au plus haut niveau. Pour la première fois, nos deux chefs d'Etat se sont rendu visite en l'espace d'un an. Il en a été de même pour nos deux premiers ministres. Cela est sans précédent dans l'histoire de nos relations bilatérales. Le Président Jacques CHIRAC se rendra pour la quatrième fois en visite d'Etat en Chine dans le second semestre de cette année, ce qui rendra, j'en suis persuadé, plus dynamique le partenariat global stratégique sino-français.

Sur le plan économique, notre coopération aéronautique, ferroviaire, énergétique et environnementale a fait de nouveaux progrès et recèle encore de grandes potentialités. L'année dernière, les flux commerciaux entre nos deux pays ont pour la première fois franchi la barre de 20 milliards de dollars. La France est aujourd'hui pour la Chine le deuxième partenaire technologique, le troisième investisseur et le quatrième partenaire commercial parmi les pays de l'Union européenne.

Et enfin, sur le plan culturel, les Années croisées ont obtenu beaucoup de succès auprès du public chinois et du public français, et suscité un engouement dans les deux sens. L'illumination en rouge de la Tour Eiffel, le grand défilé sur les Champs-Elysées, voilà autant d'événements qui sont inoubliables pour les Chinois. Je suis surtout touché par l'intérêt des Français pour la langue chinoise. Tout dernièrement, le Ministère de l'Education nationale a nommé un premier Inspecteur général de chinois. Aujourd'hui, 12 000 Français sont à l'apprentissage du chinois, contre 9 000 il y a un an. Dans le même temps, plus de 20 000 élèves chinois sont inscrits aux établissements français. Le nombre des académies qui ont ouvert l'enseignement du chinois est passé de 10 à 20. Le Premier ministre WEN Jiabao, lors de sa visite en France en décembre dernier, a annoncé que 400 jeunes Français seraient invités à visiter la Chine en 2006. La jeunesse, c'est l'avenir et l'espoir d'une nation. Les échanges entre les jeunes de nos deux pays assureront un avenir plus prometteur à nos relations de demain.

Je suis heureux de constater que les échanges entre les armées de nos deux pays sont aussi étroits. Ces dernières années, le Ministre de la défense, le Chef d'état-major des armées, le Chef d'état-major de l'armée de l'air et le Chef de la marine français se sont rendus successivement en visite en Chine. Du côté chinois, le Conseiller d'Etat et Ministre de la défense CAO Gangchuan, le Chef d'état-major général LIANG Guanglie et le Chef d'état-major général adjoint XU Qiliang sont venus en visite en France. Tous ces échanges ont abouti à des résultats fructueux. Je m'en réjouis vivement.

Un destroyer de la marine chinoise, « Taizhou », a fait escale récemment à Brest. La France lui a réservé un accueil chaleureux et accordé des facilités à cette occasion. Cela m'a beaucoup touché. Je pense aussi à la manœuvre militaire conjointe en mer jaune en mars 2004 à l'occasion du 40e anniversaire de nos relations diplomatiques, une toute première dans l'histoire de nos échanges militaires bilatéraux, voilà autant d'événements qui illustrent l'excellence et la qualité des relations entre nos forces armées.

En un mot, le développement du partenariat global stratégique sino-français correspond totalement aux intérêts des deux pays ainsi que des deux peuples, et contribue à la paix, à la stabilité et au développement du monde.

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

A la veille de votre départ, je souhaite sincèrement que ce séjour vous permette d'avoir une meilleure connaissance de mon pays, un pays à la fois ancien et rajeuni. J'espère qu'au terme de votre séjour, vous saurez répondre aux questions suivantes : le développement de la Chine se fait-il en tenant compte des conditions locales et dans l'intérêt de son peuple en répondant à son aspiration ? D'aucuns affirment que la Chine, tant qu'elle est dirigée par le Parti communiste, est forcément un pays qui s'appuie sur un régime autoritaire et qui se livre à l'expansion à l'étranger. J'en conclus que cette assertion est due à la méconnaissance de la Chine. C'est pourquoi je souhaite que les amis français soient toujours plus nombreux à s'y rendre. J'espère que vous serez d'accord avec moi pour faire la conclusion suivante : le développement de la Chine et l'état excellent de nos relations bilatérales montrent que les pays, aux régimes politiques et aux traditions culturelles différents, peuvent tout à fait vivre en bonne intelligence et développer une coopération amicale.

La Chine d'aujourd'hui connaît des mutations rapides et de portée historique. J'espère que vous serez tous témoins des vastes et profonds changements d'un pays qui, je le rappelle, réunit à lui seul un cinquième de la population totale du monde, et que vous serez tous partisans fervents de l'amitié sino-française.

Je vous remercie.

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