INTERVENTION DE MONSIEUR ZHAO JINJUN,AMBASSADEUR DE CHINE EN FRANCE,A LA CONFERENCE PUBLIQUE AU FUTUROSCOPE
2006-10-12 00:00

 

Monsieur le Premier ministre Jean-Pierre RAFFARIN,

Monsieur le Président René MONORY,

Monsieur le Président Alain FOUCHE,

Mesdames et Messieurs les Elus,

Mesdames et Messieurs, Chers Amis,

C'est un grand plaisir pour moi de venir à Poitiers et au Futuroscope pour retrouver de vieux amis, faire de nouvelles connaissances parmi les personnalités de divers milieux de la région et rencontrer de si nombreux étudiants chinois.

En arrivant ici, je ne peux m'empêcher de penser à deux événements qui ont marqué les relations entre Poitiers et mon pays : il y a 15 ans, grâce au soutien personnel de M. MONORY, président du Sénat de l'époque, un conseiller politique de l'Ambassade de Chine a visité Poitiers, c'était le premier contact amical entre le département de la Vienne et le Guangxi ; il y a 8 ans, l'accord de jumelage entre les deux régions a été signé lors de la visite de M. RAFFARIN à Nanning, chef-lieu du Guangxi. Un proverbe chinois dit : « celui qui boit de l'eau du puits ne doit pas oublier ceux qui l'ont creusé ». Je tiens donc à remercier encore M. MONORY et M. RAFFARIN de leur contribution au resserrement des liens d'amitié entre les deux régions. Peu après mon installation à Paris en tant qu'ambassadeur en 2003, j'ai fait mon premier déplacement en province, et c'était à Poitiers, à l'occasion d'une exposition d'antiquités chinoises organisée par le Guangxi. Cette exposition a eu lieu dans 6 villes de la région et a duré 14 mois, un record pour une exposition de ce genre. Elle a été très appréciée par les visiteurs français. Aujourd'hui, Poitiers attire de plus en plus de Chinois malgré les 350 km qui la sépare de Paris. Je pense que cela doit en partie au Futuroscope. Les Chinois aiment une ville liée au « futur ». En effet, un quart de la population de Poitiers sont des étudiants, donc des filles et des garçons rayonnants de jeunesse. Je me réjouis en particulier du fait que 700 étudiants chinois poursuivent leurs études à Poitiers et 300 étudiants de Nanchang bénéficient des cours d'enseignement à distance dispensés à partir d'ici. Me trouvant de nouveau à Poitiers, j'ai l'impression que l'amitié sino-française rend notre monde plus petit et diminue ainsi la distance entre nos deux pays.

Mesdames et Messieurs,

Je sais que les amis français ici présents souhaitent toujours connaître mieux la Chine. Je profite donc de cette occasion pour faire un exposé sur la situation économique de la Chine, les perspectives, et sur les relations sino-françaises.

Je vais tout d'abord vous citer quelques chiffres parlants : pendant les 28 dernières années qui ont suivi le lancement de la politique de réforme et d'ouverture sur l'extérieur, le PIB chinois a cru en moyenne de 9,6% par an, et son commerce extérieur de 16% chaque année. En 2005, le PIB chinois a dépassé 2 200 milliards de dollars américains, au 4e rang mondial, et le volume de l'import-export a franchi 1 400 milliards de dollars, au 3e rang mondial. Quant à la réserve de devises, elle a atteint 900 milliards de dollars, au 2e rang mondial. Cette dynamique est maintenue en 2006. Pour le premier semestre, le PIB chinois a augmenté de 10,9%, et les 31 provinces et régions autonomes de Chine ont réalisé toutes une croissance à deux chiffres, dont 15 à plus de 12%. Tout cela montre que l'économie chinoise se développe de façon soutenue, équilibrée et saine, et que les écarts entre les régions se réduisent. C'est un signe très encourageant.

A ceux qui se demandent si l'économie chinoise peut poursuivre toujours un développement soutenu, régulier, rapide et sain, je leur dirai que malgré des difficultés, la Chine y parviendra. Les raisons en sont simples :

Premièrement, avec ses 1,3 milliard d'habitants, la Chine possède un marché intérieur immense, notamment en campagne où le potentiel est considérable.

Deuxièmement, le gouvernement chinois est déterminé à faire de la demande domestique un moteur majeur de la croissance. Le mode de consommation des ménages chinois est en évolution, de nouveaux marchés de consommation émergent : le logement, l'automobile, la télécommunication, le tourisme et les soins du corps. Les grands événements comme les Jeux Olympiques de 2008 à Beijing et l'Exposition universelle de 2010 à Shanghai auront aussi des effets d'entraînement extraordinaires sur les différents secteurs, y compris les infrastructures, la protection de l'environnement et les ?uvres sociales.

Troisièmement, la Chine possède d'abondantes ressources humaines, avec une population très travailleuse qui reçoit de plus en plus d'éducation et de formation. Quatrièmement, la Chine bénéficie d'une stabilité politique sans faille. Elle s'en tiendra fermement et pour une très longue période à la politique de réforme et d'ouverture lancée par M. DENG Xiaoping il y a 28 ans, et ceci à la grande différence des pays où la conduite dans la durée d'une politique risque souvent d'être affectée par les alternances politiques. Le peuple chinois soutient totalement la politique de réforme et d'ouverture, cela constitue une garantie fondamentale pour un développement soutenu, régulier et sain de l'économie chinoise.

Comme les choses ont toujours deux côtés, il faut avoir une vision complète quand on regarde le développement de la Chine. Certes, la Chine se développe rapidement, son PIB en chiffre global le prouve, mais quand il s'agit du PIB par tête d'habitant et du revenu par tête d'habitant, on a tout de suite des chiffres qui montrent bien l'autre aspect de la réalité. En effet, la Chine ne se classe qu'au 110e rang mondial avec 1 700 dollars en termes de PIB par tête d'habitant. Selon l'ONU, le PIB par tête d'habitant est un indice important pour évaluer le niveau de développement d'un pays. Par ailleurs, si la Chine bénéficie d'une abondance de main d'?uvre, elle doit en même temps répondre à leurs besoins de nourriture, de logement, d'habillement, de circulation, d'éducation et d'emploi, c'est une pression forte et un défi sérieux à relever pour le gouvernement. Par exemple, chaque année, les Chinois consomment plus de 100 millions de tonnes de riz, alors que le stock mondial de riz n'est que de 20 millions de tonnes. Si une famine frappait la Chine, aucun pays ne serait capable de lui porter le secours. En outre, la Chine compte 60 millions d'handicapés, soit à peu près la population totale de la France. On peut mesurer la lourdeur de la charge de la société. D'ailleurs, la croissance économique et une population aussi nombreuse font peser une forte pression sur l'environnement. C'est sans commune mesure avec les problèmes que l'Europe peut rencontrer. Conscient de l'importance des enjeux, le gouvernement chinois a fixé, pour les cinq prochaines années, l'objectif de réduire de 20% la consommation d'énergie par unité du PIB, et de 10% l'émission d'éléments polluants. Quelles que soient les difficultés, la Chine persistera dans une conception scientifique de développement et poursuivra la politique du développement durable. C'est donc à partir d'une base très difficile que la Chine s'efforce de moderniser le pays et améliorer le niveau de vie de sa population. M. DENG Xiaoping disait que la modernisation de la Chine nécessite les efforts inlassables de plusieurs générations, d'une dizaine voire plusieurs dizaines de générations des Chinois. Cela nécessite aussi le maintien et le développement des relations d'amitié et de coopération entre la Chine et le reste du monde.

Mesdames et Messieurs,

Vous comprendrez donc que c'est pour sortir de la pauvreté que la Chine fait tous ses efforts pour se développer. Il s'agit d'un développement pacifique qui constitue une opportunité pour le monde entier et non une menace. Le fait qu'un cinquième de la population mondiale ne vivent plus dans la pauvreté, mais dans une société en paix et en progression constante, est en soi-même une grande contribution à la paix et à la prospérité du monde. L'histoire montre que la Chine figurait, pendant de très longues années, parmi les pays les plus puissants et les plus développés sur le plan économique et technologique, mais elle n'a jamais pour autant cultivé une tradition expansionniste. La culture et la tradition pacifiste plusieurs fois millénaires déterminent l'orientation de la Chine qui restera toujours un pays épris de la paix et de l'harmonie du monde.

Le Président MAO avait dit il y a un demi-siècle que la Chine, dotée d'un quart de la population mondiale, devait faire une grande contribution à l'humanité. Aujourd'hui, l'élan de l'économie chinoise devient un moteur important de la croissance de l'économie mondiale. En 2005, la Chine a apporté une contribution de 10% à la croissance économique mondiale et de 12% à la croissance du commerce international. Depuis son adhésion à l'OMC, la Chine a toujours tenu ses engagements. Le niveau moyen des droits de douane en Chine est passé de 15,6% en 2001 à 9,9% aujourd'hui. A l'égard des pays les moins avancés d'Asie et d'Afrique, la Chine exonère les droits douaniers pour la plupart de leurs produits exportés. Au début du novembre prochain, le Sommet Chine-Afrique organisé dans le cadre de la 3e conférence ministérielle du Forum sur la coopération sino-africaine se tiendra à Beijing, les dirigeants d'Etat de 47 pays africains et les dirigeants chinois vont y participer pour discuter ensemble de la stratégique de la coopération sino-africaine. Je suis convaincu que les relations d'amitié et de coopération traditionnelles entre la Chine, un pays attaché à la paix et à l'amitié, et le reste du monde, que ce soit la France, l'Europe ou l'Afrique, se développeront toujours davantage.

Mesdames et Messieurs,

J'arrive ainsi à la deuxième partie de mon intervention : les relations sino-françaises. Depuis ma prise de fonctions à Paris comme Ambassadeur de Chine il y a plus de trois ans, je constate toujours que les relations sino-françaises traversent la meilleure période. Sur le plan politique, la Chine et la France, toutes deux pour un monde multipolaire, partagent des vues identiques sur un grand nombre de dossiers internationaux, comme l'Irak, comme le problème nucléaire touchant l'Iran et la Corée du Nord. Nos deux pays se soutiennent aussi mutuellement sur les sujets qui préoccupent l'un ou l'autre. C'est le cas pour la Chine sur le dossier de Taiwan et sur la levée de l'embargo. C'est le cas pour la France sur le dossier ITER et celui du Liban. Durant ces trois dernières années, les contacts bilatéraux de haut niveau se multiplient, les visites réciproques dans la même année des deux Chefs d'Etat en 2004, suivies de celles des deux Premiers ministres en 2005, sont sans précédent dans les annales de nos relations bilatérales. Dans deux semaines, le Président Jacques CHIRAC effectuera sa 4e visite d'Etat en Chine. Son entourage m'a dit que le Président CHIRAC n'a jamais effectué autant de visites d'Etat dans un autre pays au cours de ses deux mandats à l'Elysée. Je suis persuadé que cette visite donnera une nouvelle impulsion au partenariat global stratégique sino-français. En ce moment, nous travaillons activement pour bien préparer cette visite.

Sur le plan économique, nos deux pays mènent des coopérations fructueuses dans beaucoup de domaines, en particulier dans les secteurs aéronautique, ferroviaire, énergétique et de la protection de l'environnement. Lors de la visite en France du Premier ministre chinois WEN Jiabao fin 2005, la Chine a signé un contrat pour l'achat de 150 appareils d'Airbus. C'est le plus gros contrat jamais conclu avant par la Chine avec un avionneur. Airbus a en même temps renforcé son partenariat industriel en Chine. Désormais, la France est notre deuxième fournisseur de technologies, troisième investisseur et quatrième partenaire commercial en Europe.

Sur le plan culturel, les Années croisées, organisées dans un esprit très créatif, ont connu le plus grand succès et suscité de réelles passions de nos deux peuples pour la culture de l'autre. La Tour Eiffel illuminée en rouge et la Patrouille de France survolant la Grande Muraille sont des images gravées dans la mémoire des Chinois et des Français. En outre, j'ai ressenti aujourd'hui, en France, un véritable engouement pour la langue chinoise. A l'heure actuelle, il y a 13 000 lycéens et étudiants français apprenant le chinois, et plus de 20 000 jeunes chinois sont en France pour leurs études. Les années 2006 et 2007 sont marquées par le programme d'échanges de 800 jeunes entre la Chine et la France. 400 jeunes français sont invités en Chine, 200 y ont déjà fait leur voyage. Bientôt, ce seront 400 jeunes chinois qui viendront successivement en France. La jeunesse, c'est l'avenir des relations de nos deux pays, c'est le garant de la continuité de notre amitié et de notre coopération. J'encouragerai donc les jeunes chinois à venir découvrir Poitiers et sa région. Je souhaite en même temps que des jeunes de Poitiers aillent nombreux en Chine pour découvrir ce pays d'Orient à la fois ancien et jeune.

Mesdames et Messieurs,

Je ne vous cache pas que dans nos excellentes relations, il y a encore des maillons faibles comme notre relation commerciale. La Chine et la France sont deux grandes puissances commerciales, pourtant le volume des échanges bilatéraux ne représente que 1,5% du commerce extérieur de chacune et moins d'un tiers du commerce sino-allemand. Cela n'est pas normal. L'une des raisons principales de cette insuffisance est que la coopération entre les PME-PMI des deux pays n'est pas assez développée. Conscients du n?ud du problème, les deux gouvernements ont pris des mesures nécessaires. Ainsi, 1400 PME-PMI françaises supplémentaires sont venues en Chine en 2005 pour explorer le marché chinois. Mais le taux de réussite de leurs démarches en Chine n'est pas encore celui qu'on attendait. Il faut que nous rattrapions ce retard. Il faut que le monde de l'économie et des affaires de nos deux pays redoublent leurs efforts pour élargir les échanges, approfondir la connaissance mutuelle, et surmonter les difficultés de toutes sortes dues à la distance géographique, aux différences d'histoire, de culture, de tradition et de langue.

Mesdames, Messieurs, Chers Amis,

Je voudrais aussi saisir cette occasion pour remercier les responsables, les élus et les amis de la région de Poitou-Charentes, du département de la Vienne et de la ville de Poitiers pour le soutien qu'ils n'ont cessé d'apporter durant toutes ces années à la coopération sino-française. J'ai mentionné au début de mon discours le Premier ministre RAFFARIN. Je voudrais encore le remercier pour tout ce qu'il a fait en faveur des relations de coopération entre nos deux pays. Pendant ses trois années à Matignon, il a effectué deux visites en Chine. La première s'est effectuée alors que la Chine était en pleine crise du SRAS en 2003. Un autre proverbe chinois dit : « c'est dans le moment difficile qu'on reconnaît ses vrais amis ». Le peuple chinois n'oubliera jamais cette visite. Récemment, une délégation chinoise conduite par un vice-président du Guangxi a fait une visite dans votre région. Cette délégation a été chaleureusement reçue par Mme Royal, présidente du Conseil régional. Les deux parties sont convenues de renforcer encore davantage la coopération entre les deux régions. Je m'en félicite vivement. Les exemples ne manquent pas pour démontrer la vitalité et l'excellence de notre coopération : les délégations chinoises viennent souvent visiter l'usine d'Alstom à la Rochelle ; l'une des plus grandes entreprises chinoises de la haute technologie de télécommunication ZTE a installé au Futuroscope, avec l'encouragement et le soutien du Conseil général de la Vienne, un centre de formation tournée vers l'Europe et l'Afrique ; le premier institut Confucius en France est installé à Poitiers. Je suis sûr que grâce aux efforts des deux parties, notre coopération portera des fruits toujours plus abondants.

Pour terminer, je voudrais dire quelques mots à nos élèves de l'Institut Confucius et aux étudiants chinois ici présents. En vous voyant si nombreux dans cette salle, j'ai la forte conviction et beaucoup d'espoir pour le bel avenir de nos relations de coopération. J'encourage nos jeunes chinois à bien travailler pour maîtriser le français et contribuer plus tard à la promotion de l' amitié sino-française qui doit rester éternelle. J'espère en même temps que nos amis de la région Poitou-Charentes sont encore plus nombreux à se lancer dans la coopération avec la Chine et à pérenniser ainsi notre grande amitié sino-française.

Je vous remercie.

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