Interview accordée par l'Ambassadeur Lu Shaye à L'Opinion
2020-04-29 17:26

Le 24 avril, l’Ambassadeur de Chine en France Lu Shaye a accordé une interview exclusive à L’Opinion. Voici l’intégralité de l’interview :

Q : Au lieu d’être un facteur de rapprochement, cette crise sanitaire semble exacerber plutôt les divisions internationales. Quel est votre sentiment à cet égard ?

R : Pour répondre à cette question, il faut voir comment on considère ce problème. Par exemple, d’après moi, pendant la lutte contre cette pandémie, il y a beaucoup de phénomènes ou de signes de solidarité dans le monde. Par exemple, la Chine a fourni des aides à plus de 140 pays et organisations internationales, en fournitures et équipements médicaux. Et la Chine a partagé ses expériences de prévention et de contrôle de Covid-19 avec plus de 150 pays, y compris la France. C’est une solidarité de la communauté internationale, n’est-ce pas ? Mais bien sûr, il existe aussi des divisions et même des confrontations, surtout entre des pays occidentaux et la Chine. Mais cela n’a pas été déclenché par la Chine, c’est plutôt par des pays occidentaux qui accusent la Chine avec toutes sortes de prétextes.

Je remarque un phénomène : Dans tout le parcours de cette épidémie qui a commencé depuis la fin du décembre dernier jusqu’à aujourd’hui, ça fait déjà près de quatre mois. On peut diviser ce parcours en trois étapes. Première étape, c’était la Chine qui s’enfonce dans la crise de l’épidémie. La Chine s’est investie parfaitement ou complètement dans la lutte de cette épidémie inouïe, au point que nous avons fermé la ville de Wuhan le 23 janvier. Et pendant cette période, on peut dire que les médias occidentaux, même s’ils critiquent toujours la Chine et disent que le système politique de la Chine ne sera pas capable de faire face à ce fléau, et que peut-être il se passera un autre incident ou une autre affaire “Tchernobyl” en Chine, et qu’après cette épidémie, le pouvoir chinois ne pourrait pas tenir - ce sont des allégations des médias occidentaux à cette époque-là - mais à ce temps-là, j’ai remarqué que personne n’accuse la Chine de ne pas être transparent, de faire la dissimulation, ou d’être en retard à réagir. Personne. Et même des dirigeants occidentaux. Par exemple, le Président Donald Trump, au mois de janvier et février, a fait des louanges à quinze reprises de la Chine, il a apprécié beaucoup le fait que le gouvernement chinois réagit très rapidement, prenait des mesures très strictes et très complètes pour contenir cette épidémie. Et il a dit que les Américains ont fait une très bonne collaboration avec la Chine à cet égard. Et d’ailleurs, les faits étaient que la Chine a annoncé pour la première fois publiquement le 30 décembre dernier, et elle a fait savoir à l’OMS aussitôt. Et L’OMS, tout de suite, a communiqué à tous les pays du monde. Et ce matin, j’ai vu un reportage : le Directeur général de la Santé français, Monsieur Salomon a dit hier aux parlementaires que le Ministère des Solidarités et de la Santé a fait parvenir la communication aux différentes régions de la France le 10 janvier. Donc, cela veut dire que la France était informée dès le premier temps.

La deuxième étape, c’était à partir de la fin de février à la mi-mars. Les pays américains et européens sont tombés dans le fléau de l’épidémie. Les cas contaminés et les cas de décès augmentent très vite. Les médias occidentaux mettent leur accent dans les reportages sur leurs propres pays. Ils n’ont pas beaucoup d’énergie à reporter ce qui s’est passé en Chine. Donc dans les médias occidentaux, c’était une période, même très courte, calme.

Mais après, à partir de la mi-mars, toutes sortes d’accusations affluent vers la Chine, de la part des médias occidentaux. Toutes sortes d’allégations : le retard de réagir, le mensonge, la dissimulation, la non-transparence...

Cela veut dire quoi ? Cela veut dire que les accusations des médias occidentaux se font au fur et à mesure du développement de la situation de l’épidémie. Je peux être sûr que si les pays occidentaux ont réussi à endiguer cette épidémie, peut-être les accusations des médias occidentaux vis-à-vis de la Chine ne seraient pas comme cela. Mais vous savez, sur toutes ces accusations occidentales, le gouvernement chinois les a pris au sérieux, et on a fait à maintes reprises des éclaircissements sur toutes ces accusations, même si elles ne sont pas très précises, pas très réalistes, pas bien fondées et pas bien basées, on répond sérieusement à ces accusations.

Q : Mais comment vous expliquez le fait qu’il y a une espèce de pause dont vous avez parlé tout à l’heure, entre la première phase et la troisième phase ? Comment expliquez-vous qu’on soit passé brutalement d’un moment où on a salué finalement le travail de la Chine, sa transparence, le fait qu’elle a tout de suite développée et mis sur le marché le génome du virus, etc., à des allégations, à des critiques, au manque de transparence, même parfois à des théories du complot. Qu’est-ce qui a motivé, selon vous, ce changement d’attitude ?

R : Alors pour la première étape, ceux qui apprécient le gouvernement chinois, ce sont des gouvernements occidentaux, mais les médias accusent toujours, critiquent toujours. Cela veut dire que les gouvernements occidentaux ont reçu les communications et les informations de la part de la Chine. Donc, je pense que à ce temps-là, ils étaient quand même objectifs. Et maintenant, je ne sais pas pourquoi ils changent leurs mots, ils reviennent sur leurs mots. C’est aux gouvernements occidentaux de le dire.

Q : Comment analysez-vous la relation franco-chinoise au regard de cette crise ? Estimez-vous que Paris a fait preuve de justesse dans sa façon d’observer la gestion de la crise en Chine ?

R : Généralement dit, les relations bilatérales sino-françaises sont excellentes. Vous savez, la France est notre partenaire global stratégique. Depuis l’épidémie, les deux Chefs d’État ont eu trois fois de conversations téléphoniques et ils ont aussi échangé des lettres. Et les deux Ministres des Affaires étrangères ont eu encore plus de conversations téléphoniques. Les dirigeants de nos deux pays restent en contact permanent sur la gestion de cette épidémie. Le président Emmanuel Macron, le Ministre Jean-Yves Le Drian, tous les deux ont hautement apprécié la façon dont le gouvernement chinois gère l’épidémie, et ils ont apprécié aussi la solidarité dont les deux parties font preuve. Vous connaissez bien, pendant que la Chine s’est enfoncée dans l’épidémie, la France, le gouvernement français nous ont fourni des aides matérielles. Et après, quand la France fait face à la lourde épidémie, la Chine aussi, le gouvernement chinois a fourni des aides matérielles et spirituelles. Ce sont des preuves de l’assistance mutuelle entre les deux parties.

Le problème se trouve dans certains médias. Parce que je remarque que, les médias français, j’espérais qu’ils soient indépendants, mais en fait, pendant cette période de lutte contre l’épidémie, ils n’ont pas fait preuve d’indépendance. Ils suivent toujours les médias américains. C’est un phénomène très bizarre, parce que dans mon impression, les Français sont indépendants, les médias français sont indépendants. Mais cette fois-ci, ils suivent toujours de très près les Américains. Chaque fois, les Américains lancent une accusation, jette une allégation, les médias français les rapportent certainement un jour ou deux jours après, ils hurlent avec les loups, pour faire grand tapage autour des mensonges et des rumeurs sur la Chine.

Leur approche n’est pas favorable à la connaissance et la compréhension mutuelle entre les deux peuples. Parce que le peuple français ne peut pas obtenir des informations authentiques et objectives. Je ne dis pas que les médias français disent toujours les mensonges sur la Chine, mais une grande partie de leurs reportages sur la Chine ne sont pas vrais. Leurs journalistes postés en Chine voient toujours des aspects sombres, mais ce n’est pas l’aspect dominant de la Chine. Tout le monde le connaît. Par exemple, en France, dans la lutte contre l’épidémie, les médias français rapportent toujours des choses positives et encourageantes, qui donnent de la force et du courage, qui manifestent la solidarité. Mais à l’inverse, les journalistes français postés en Chine rapportent toujours autre chose. Cela donne une impression aux populations françaises que la Chine est un pays très mauvais, tout se passe là-bas est contre l’humanité, manque de droits de l’homme, manque de liberté... Mais si la Chine était comme ce que décrivent les journalistes postés en Chine, la situation d’aujourd’hui là-bas ne serait pas comme ça, n’est-ce pas ? Je pense que les médias doivent jouer un rôle positif dans la communication entre les deux pays, dans la compréhension entre les deux peuples.

Q : Il y a malgré tout une question qui avait suscité quelques réserves, y compris même au niveau du gouvernement français. Comme vous l’avez souligné, la France a apporté, et l’Europe a apporté une aide à la Chine au moment du pic de l’épidémie en Chine, et la Chine a fait de même. Mais on a reproché beaucoup en Europe, à la Chine, d’avoir fait beaucoup de publicités autour de l’aide qu’elle avait apporté aux Européens, qui était tout à fait une aide, mais en faisant beaucoup de publicité, alors que les Européens avaient été beaucoup plus discrets à la demande de la Chine dans la fourniture de cette aide. Qu’est-ce que vous répondez à ça ?

R : En fait, la Chine n’a pas fait expressément la publicité de notre aide vis-à-vis des pays européens. Ce que nous avons fourni est peut-être plus nombreux qu’ont fait les pays européens. Pour la Chine, à vrai dire, ce n’est pas une exagération. La Chine n’a pas fait expressément la publicité, mais comme on a beaucoup fait, les médias font des reportages que tout le monde connaît. Le gouvernement chinois n’a pas l’intention de faire la publicité. Par exemple, s’il y a un lot de matériel arrive à Paris, offert par le gouvernement chinois au gouvernement français, les médias font le reportage, n’est-ce pas ? C’est très normal. Mais comme ce genre de gestes sont de plus en plus nombreux, les reportages en la matière sont de plus en plus nombreux.

Et j’ai vu que certains accusent la Chine de coller toujours des slogans sur les lots de matériel, ce n’est pas notre création. Avant, sur les lots de dons des matériels du gouvernement français au gouvernement chinois, le Ministère des Affaires étrangères français a écrit aussi des slogans. Ils ont écrit des poésies chinoises là-dessus. D’après moi, c’est une expression de solidarité. Et vice versa, la Chine veut aussi exprimer notre solidarité vis-à-vis du peuple français. Ce n’est pas la publicité, c’est l’expression de la solidarité. Mais en ce qui concerne la soi-disant « diplomatie de masque » ou « la diplomatie de propagande », ce n’est pas nous qui le disons. C’est affirmé par des médias. Ils ont cette impression. Mais pourquoi ils ont cette impression ? Je pense que peut-être ils se sentent l’augmentation ou l’élargissement de l’influence de la Chine. Mais c’est un phénomène objectif, n’est-ce pas ? Bien sûr, tout à l’heure au début je vous ai dit que depuis le début de l’épidémie en Europe, en Amérique, la Chine a déjà fourni des assistances, des dons à plus de 140 pays. Oui, c’est une assistance et une aide de grande envergure. Même si la Chine veut cacher son geste et son acte, ce n’est pas possible.

Q : C’est vrai, tout à fait. Pour rester un petit peu dans cet état d’esprit, beaucoup de pays notamment occidentaux, -quand je parle de beaucoup de pays, je pense surtout aux Occidentaux - depuis quelques jours, utilisent un nouveau mot qui est la transparence. Ils demandent au gouvernement chinois d’être plus transparent. Tout à l’heure, vous avez évoqué la relation franco-chinoise en disant qu’elle était excellente. Mais la semaine dernière, par exemple, le Président Macron, dans une interview qu’il a donnée au Financial Times, a laissé entendre que la Chine avait quand même caché beaucoup de choses. Donc cette idée aussi de transparence existe comme demande de la part du gouvernement français. Qu’est-ce que vous répondez à ça ?

R : La transparence est toujours une excuse pour les pays occidentaux. En ce qui concerne les propos du Président Emmanuel Macron, j’ai déjà exprimé mon sentiment la semaine dernière. Je ne pense pas qu’il a une intention d’accuser la Chine. Mais en effet, il a dit qu’on ne sait pas tout ce qui se passe là-bas, c’est au gouvernement chinois de le dire. Mais il y a un contexte de ce propos. En effet, récemment, les médias occidentaux font une comparaison de systèmes, entre le système démocratique libéral de l’Occident et le système de la Chine. Ils collent une étiquette d’autoritarisme, de totalitarisme sur le système politique de la Chine. Je pense que le Président Emmanuel Macron veut éviter cette polémique. Il dit qu’il ne faut pas faire la comparaison entre les différents systèmes, même si les Chinois font très bien, mais nous, les Français et les Européens, nous pouvons faire aussi bien. Je pense que c’est très normal. Puisque les systèmes sont différents, on ne peut pas connaître tout ce qui se passe de l’autre côté. Comme les Chinois ne savent pas tout ce qui se passe en France. C’est mon impression. Je pense qu’il ne faut pas déformer, mal interpréter les discours du Président Emmanuel Macron.

Q : Certains reprochent à la Chine d’avoir une diplomatie « offensive » voire « agressive » depuis le début de cette épidémie, notamment depuis qu’elle s’est répandue en dehors des frontières de la Chine. Qu’est-ce que vous répondez à cette qualification d’agressivité en termes de diplomatie ? Est-ce que vous avez le sentiment que c’est exact ? Et si ce n’est pas le cas, qu’est-ce que vous en dites ?

R : C’est plutôt une diplomatie active. Les Chinois ne sont jamais agressifs. Peut-être vous avez l’impression que récemment, les diplomates chinois ont fait de plus en plus de réponses et de réactions aux médias occidentaux. Je pense que c’est normal, comme je vous ai dit tout à l’heure, les médias occidentaux lancent des attaques de plus en plus nombreuses envers la Chine. Mais ce sont des attaques dénudées de tout fondement. Si on laisse ces attaques et ses dénigrements répandre dans l’opinion publique des pays occidentaux, c’est très mal pour que les populations occidentales comprennent bien la Chine, connaissent bien la Chine. C’est pourquoi je pense que les diplomates chinois en Europe, bien sûr y compris l’Ambassade de Chine en France, estiment qu’il est nécessaire de répondre, de présenter la vérité de la Chine à l’opinion publique. Et bien sûr, on doit répondre aux accusations de ces médias occidentaux. C’est pour éclaircir leur dénigrement. Et comme auparavant, la Chine ne répondait guère aux attaques des médias occidentaux, cette fois-ci ils s’avisent tout à coup que les Chinois répliquent, rétorquent. Cela les a surpris. Ils ont l’impression que les Chinois ne sont pas défensifs, qu’ils sont offensifs, qu’ils sont même agressifs. Peut-être c’est leur impression. Mais à vrai dire, les réponses et les réactions des ambassades chinoises en Europe donnent quand même une autre voix à l’opinion publique de l’Europe. Et les gens en Europe peuvent faire leurs propres évaluations. Qu’est-ce qui est vrai, qu’est ce qui est faux ? Ils ont leurs propres évaluations. S’il n’y a qu’une seule voie sur la Chine, sur la situation de la Chine, ce n’est pas favorable pour que les peuples des pays européens puissent bien connaître la Chine.

Q : Tout à fait d’accord avec vous sur cette explication. Et comment vous expliquez ce changement finalement qui s’est opéré assez brutalement ? Parce qu’effectivement, comme vous le disiez, auparavant les critiques sur la Chine, il y en a eu très souvent. Ça fait des années qu’on n’a plus qu’une étiquette sur le pouvoir chinois, en l’accusant d’être autoritaire, etc. Mais rarement la diplomatie, les ambassadeurs, les diplomates chinois, répondaient. Et là, aujourd’hui, on est entré dans une phase où effectivement, on sent que maintenant, c’est fini, il ne faut plus se laisser marcher sur les pieds. Qu’est-ce qui a motivé cette évolution dans votre diplomatie ?

R : On s’aperçoit qu’il faut faire attention à l’image. Dans notre culture traditionnelle, les Chinois disent toujours : faites bien vos affaires, laissez les autres parler. Mais à l’époque actuelle, ça ne marche pas dans le monde. Même si on fait le mieux dans tous les aspects, si on verse de l’eau sale sur vous, ce que vous faites sera réduit à néant. Dans le monde la Chine est un bon exemple. Même si la Chine, avec des dizaines d’années d’efforts acharnés, est devenue deuxième plus grande économie du monde où des centaines de millions de Chinois sont sortis de la pauvreté, mais avec des propagandes de diffamations, des dénigrements des médias occidentaux sur la Chine, l’image de la Chine dans le monde occidental reste toujours très mauvaise. On accuse toujours la Chine d’être autoritaire, d’être totalitaire, de ne pas avoir de droits de l’homme, de ne pas avoir de liberté. Mais si le peuple chinois n’a pas de droits de l’homme, n’a pas de liberté, comment la Chine peut se développer si bien que ça ? Beaucoup mieux que la plupart des pays qui ont adopté un système démocratique libéral occidental. C’est une vérité. Cela veut dire que le récit des médias occidentaux est tout à fait contre la vérité de la Chine. L’image de la Chine décrite par ces médias occidentaux est tout à fait différente de l’image authentique de la Chine. On s’aperçoit de la gravité de ce phénomène. C’est pourquoi on a renforcé la communication avec l’extérieur, avec les pays étrangers. Mais pourquoi ce sont des diplomates qui montent au créneau ? A vrai dire, les médias chinois sont beaucoup plus faibles que les médias occidentaux dans le monde, surtout dans le monde occidental. Ils n’ont pas leur voix. Si les médias chinois sont aussi puissants que les médias occidentaux, ce ne sera pas la peine pour les diplomates chinois de monter au créneau pour faire la communication. Ce que les diplomates chinois font, c’est de défendre l’image de la Chine, de défendre l’intérêt national de la Chine.

Q : Ça veut dire qu’il faut renforcer le travail des médias chinois. Une avant-dernière question : il y a quelques jours, le Ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, dans une interview, expliquait et déclarait que le monde d’après, après la crise du coronavirus, serait peut-être pire que le monde d’avant. Partagez-vous ce pessimisme, d’une part ? Que faudrait-il faire pour éviter que ça se produise ? Et enfin, qu’est-ce que la Chine peut apporter pour ramener un peu d’harmonie dans ce monde qui semble, malgré tout ce que vous disiez tout à l’heure, quand même très fragilisé ?

R : Les Chinois sont plutôt optimistes. Bien sûr, le monde d’après l’épidémie ne serait certainement pas le monde d’avant l’épidémie. Mais cela dépend de ce que nous faisons. Nous devons faire des efforts pour que ce monde après l’épidémie soit meilleur que le monde d’avant. Je pense que cela demande la solidarité de tous les pays du monde, au lieu de l’affrontement, de la confrontation, qui se passent comme aujourd’hui. Vous connaissez, ce que la Chine préconise, c’est la communauté de destin pour l’humanité. Ce n’est pas un slogan, c’est notre vision, c’est notre souhait. Parce que nous pensons que c’est la seule solution pour que le monde soit meilleur qu’auparavant. Dans cette vision, on préconise la solidarité, la coopération, le respect mutuel. Et bien sûr, il y a le développement vert, le développement partagé, le multilatéralisme... Tout cela, ce sont des valeurs très précieuses pour l’humanité et pour tout le monde. Et je pense que la France est d’accord avec la plupart de ses valeurs. Je pense que ce sont des valeurs universelles. Mais je pense que ce ne sont pas tous les pays qui veulent agir comme ça. Il y a des pays qui ont toujours une idée de la guerre froide. Et ils ont toujours peur de perdre leur pouvoir, leur hégémonie. Ils soupçonnent la Chine d’avoir l’intention de leur succéder dans l’hégémonie mondiale. Mais à vrai dire, la Chine ne s’y intéresse pas. Tout ce que nous faisons, vous voyez, ce n’est pas prétendre à l’hégémonie, c’est pour promouvoir la coopération internationale, même dans notre initiative « la Ceinture et la Route », c’est pour promouvoir un développement commun aux pays en développement qui manquent de moyens, de ressources, de financement pour construire des infrastructures, pour créer des emplois. Maintenant, c’est la Chine qui a pris l’initiative de faire ça, mais nous espérons que les pays européens qui sont des pays développés puissent nous rejoindre. On fait ensemble. Cela sera beaucoup plus efficace. Je pense que cette épidémie nous a donné des leçons quand même. C’est qu’il faut poursuivre un développement vert et durable. Il faut poursuivre la coopération internationale. Il faut préconiser le multilatéralisme.

Q : Ma dernière question, vous avez dit dans vos derniers propos que les objectifs que défend la Chine sont partagés en grande partie par la France. Il y a un domaine dans lequel peut-être la Chine et la France ont beaucoup à travailler ensemble, c’est l’Afrique. L’Afrique est en train d’être touché progressivement par le coronavirus. C’est un continent qui a beaucoup plus de fragilités que beaucoup d’autres à travers le monde. La question de l’endettement des pays africains va se poser avec encore plus de difficultés, parce que si ces pays doivent lutter contre le coronavirus avec une économie qui est très fragilisée, avec un poids de la dette relativement important, dans quelle mesure Chinois, Français et plus généralement peut-être l’Europe peuvent travailler en commun pour justement apporter une réponse peut-être nouvelle pour le développement de l’Afrique ?

R : L’Afrique, c’est notre ami stratégique. Vous connaissez très bien les relations sino-africaines. Une fois sortie de l’épidémie, la Chine aide tout de suite les pays africains à lutter contre et à prévenir l’épidémie de Covid-19. Jusqu’à aujourd’hui, nous avons déjà fourni des aides à tous les pays africains qui ont des relations diplomatiques avec la Chine. Et nous avons déjà envoyé quelque 5 équipes médicales aux pays africains pour les aider à renforcer le système sanitaire contre cette épidémie. Les experts, les épidémiologistes chinois ont fait des échanges d’expériences aussi avec leurs collègues en Afrique. Vous pouvez vous rappeler qu’en 2014-2015, la Chine a beaucoup fait pour aider l’Afrique à lutter contre l’Ébola. On a même construit deux laboratoires au Sierra Leone et au Liberia. Cette fois-ci, c’est la même chose. La Chine n’hésite pas à voler au secours aux pays africains dans la lutte contre l’épidémie.

Bien sûr, l’endettement de l’Afrique, c’est un problème très important qui a duré depuis des dizaines d’années. L’endettement de l’Afrique ne date pas d’aujourd’hui. Il existe depuis leur indépendance. Et il a été accentué, surtout dans les années 80 du siècle dernier. Vous connaissez, en Chine, depuis la création du Forum sur la Coopération sino-africaine (FOCAC) en l’an 2000, nous commençons déjà à réduire, à annuler les dettes africaines vis-à-vis de la Chine. Ce mécanisme de coopération tient une conférence ministérielle tous les trois ans, et à chaque conférence ministérielle, le gouvernement chinois sort des mesures de réduction de dettes des pays africains. Et d’ailleurs, la Chine investit beaucoup maintenant et fait plus de crédits aux pays africains pour construire des infrastructures qui sont rentables, qui peuvent créer des valeurs, qui peuvent améliorer l’environnement d’investissement des pays africains. Et la Chine n’oblige jamais les pays africains de rendre l’argent. Même s’ils ne sont pas capables, on discute toujours bilatéralement pour mieux arranger les dettes.

Et effectivement, d’après des recherches des think-tanks des pays occidentaux, la part des dettes des pays africains vis-à-vis de la Chine ne représente pas une grande part dans leur endettement total. Généralement, cela fait autour de 10%. Peut-être pour quelques pays un peu plus haut, pour d’autres beaucoup plus bas. La plupart des dettes des pays africains sont dues aux pays développés, aux institutions financières multilatérales et aux banques privées. Ce sont de l’argent qu’ils ont emprunté dans le marché financier du monde. Donc, je pense que maintenant, à l’heure actuelle, bien sûr, on doit faire des efforts pour alléger le fardeau de la dette des pays africains. Récemment, le G20 a fait une initiative de suspendre le service des dettes des pays africains. Je pense que c’est une très bonne initiative. Le Président Emmanuel Macron a aussi fait une initiative. Mais je pense que maintenant, ce qui est le plus urgent, c’est d’aider les pays africains à renforcer leur système sanitaire pour mieux se prémunir contre le fléau, contre le prochain afflux de l’épidémie. Aujourd’hui en Afrique, il n’y a pas encore beaucoup de cas, mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas beaucoup de cas. Donc, on doit être vigilant. On doit faire des préparations.

Q : Tout à fait. Merci beaucoup.

R : Je vous remercie aussi. C’est une très bonne conversation.

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