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Interview accordée par l’Ambassadeur LU Shaye à CNEWS
2022-05-31 01:21

Le 29 mai 2022, l’Ambassadeur de Chine en France LU Shaye a accordé une interview à Repères sur CNEWS sur l’économie chinoise,  la « zéro COVID dynamique », la crise ukrainienne et les questions liées à Taiwan et au Xinjiang, dont le contenu est le suivant :

Q : D’abord bienvenue, LU Shaye, Monsieur l’Ambassadeur de Chine à Paris.

R : Bonjour.

Q : Je suis heureux de vous accueillir une nouvelle fois puisqu’on se connaît un peu maintenant. Cette année 2022, la croissance en Chine n’attendrait que 3%. C’est-à-dire presque la moitié des prévisions faites par les Chinois. La croissance de votre économie est indispensable pour vous et pour nous. Est-ce qu’il faut être inquiet ? Ou est-ce que vous, les Chinois, vous êtes inquiets ?

R : Maintenant tout le monde est inquiet de la croissance économique de la Chine. Effectivement, après le premier trimestre qui a enregistré une croissance de 4,8%, à partir du mois d’avril la situation économique en Chine est un peu inquiétante à cause du confinement. Mais le gouvernement chinois a déjà pris des mesures.

Q : Votre Premier Ministre LI Keqiang vient de reconnaître que le moment pour la Chine est critique. Chez vous, les activités, l’industrie, le commerce et même le tourisme sont ou stoppés ou ralentis naturellement par le confinement. D’ailleurs, vous avez été les premiers concernés par le virus et vous êtes les derniers d’une certaine façon à le combattre. Mais vous avez confiné les grandes villes, Pékin, Shanghai et les ports. Cela veut dire que la méthode « zéro COVID », ce n’est pas une bonne méthode ?

R : Pour nous la « zéro COVID dynamique » est toujours une bonne méthode. Parce que la situation chinoise est tout à fait différente des autres pays. Shanghai a été fermée pendant un mois et demi, mais maintenant c’est déjà ouvert progressivement. Peut-être les chiffres de l’économie en Chine étaient moches, mais les économistes pensent qu’à partir du mois de mai la croissance remontera.

Q : Si vous ouvrez progressivement, ce serait moins moche ?

R : On va certainement rouvrir les grandes villes, Shanghai et d’autres villes. Et le gouvernement chinois a adopté 33 mesures dans six domaines : réduire les impôts pour les PME, reporter le paiement des cotisations sociales, ouvrir de nouveaux travaux d’infrastructures...

Q : Oui parce qu’il y a eu quelques tensions sociales et quelques mécontentements. Avec la Russie qui est votre partenaire vous avez continué vos échanges commerciaux.

R : C’est normal.

Q : Oui normal avec un partenaire, parce que vous dites plutôt partenaire qu’allié. Est-ce que vous envoyez aussi des armes à la Russie ?

R : Vous pensez qu’on a besoin d’envoyer des armes à la Russie qui est une puissance militaire numéro un ou numéro deux ? Ils ont tout.

Q : Ils ont tout. Mais on voit à quoi ça sert des armes et pas d’hommes. Parce que c’est presque naturel entre partenaires et alliés.

R : La Chine entretient des relations normales avec la Russie. Nous sommes partenaires stratégiques. Nous avons des relations de coopération dans tous les domaines.

Q : D’accord, c’est langue de bois. Mais oui vous avez de très bonnes relations commerciales et économiques. A propos de l’Ukraine, vous êtes dans une forme de neutralité. Vous n’en faites pas trop. Vous dites que vous n’avez pas d’armes, vous n’avez pas d’hommes. Vous les soutenez de loin, non ?

R : On est un pays souverain. On n’a pas besoin de prendre parti avec n’importe quel parti. On ne doit pas nous forcer à prendre une position. Notre position est notre position.

Q : La Chine c’est la Chine. Oui mais alors d’après ce que j’ai lu et vu à l’occasion de plusieurs voyages en Chine, la Chine promet toujours de respecter un pays et ses frontières. Est-ce que ça reste un principe sacré ?

R : C’est toujours notre position. Notre position est constante de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays. Mais nous préconisons aussi que les préoccupations de sécurité légitimes de tous les pays doivent aussi être tenues en compte.

Q : Ça on le comprend pour vous. Mais est-ce qu’on comprend que certains pays aillent manger la réalité territoriale d’un pays ? Parce que la Russie on ne lui avait pas demandé d’entrer dans l’Ukraine, de tuer et de détruire, etc.

R : Si on condamne l’invasion ou les massacres, il faut commencer par la guerre du Kosovo, la guerre d’Afghanistan, la guerre d’Irak, la guerre en Libye et la guerre en Syrie. Il faut être cohérent.

Q : D’accord. Mais on se console avec l’addition des crises et des guerres, c’est pas bien. Mais Joe Biden, lui, envoie des milliers de milliards d’armements sophistiqués aux Ukrainiens.

R : Est-ce que cela signifie que les Etats-Unis entrent dans la guerre ?

Q : Non, pas du tout. Ils disent non.

R : Ils disent non. Mais en réalité est-ce que les Américains sont déjà entrés dans la guerre avec l’approvisionnement des armes à l’Ukraine ? Ils sont déjà cobelligérants.

Q : Non. Ils envoient. Ils soutiennent la solidarité. Ils sont comme vous. Ils disent non, on n’est pas dans la guerre, comme vous dites dans les relations avec la Russie.

R : Alors dans ce cas-là si la Chine fournit des armes à l’une des parties, quels seront les résultats ?

Q : Lors de sa tournée en Asie récemment, le Président Joe Biden vous a prévenu de ne pas toucher un cheveu de Taiwan parce que l’Amérique répliquerait. Est-ce que vous craignez un affrontement avec les Etats-Unis ?

R : Je pense que ce mot doit être prononcé par la Chine que les Américains ne doivent pas toucher un cheveu à Taiwan. Parce que Taiwan est une partie intégrante de la Chine. Personne d’autre n’a le droit de s’ingérer.

Q : Expliquez pourquoi elle n’a pas le droit de s’ingérer. Parce que Taiwan n’est pas encore un Etat, mais c’est devenu une région, une province qui se développe, qui a son armée, qui fait ses manœuvres avec les Etats-Unis. Vous croyez qu’elle vous menace, le continent chinois ?

R : La situation actuelle de Taiwan est le résultat de la guerre civile en Chine d’il y a plus de 70 ans. Mais cela ne change pas la souveraineté de la Chine. Taiwan reste toujours une partie du territoire chinois. Je ne sais pas qu’est-ce qu’il y a là-dessus. Tous les pays du monde reconnaissent que Taiwan fait partie de la Chine, y compris les Etats-Unis.

Q : D’accord, mais avec DENG Xiaoping au moins, prédécesseur de M. XI Jinping, on disait « un pays, deux systèmes ». Est-ce que ça reste valable ?

R : Oui, c’est toujours valable. Nous pensons que ce serait la meilleure solution pour résoudre le problème de Taiwan.

Q : Il y a une question qui est simple, il y en a même deux, vous allez voir. Le Président chinois XI Jinping, est-ce que ou quand il va décider de prendre Taiwan ?

R : C’est une question facile et difficile. À vrai dire, je ne sais pas quel sera le programme du gouvernement chinois.

Q : C’est d’actualité ou pas ?

R : Le principe est que la réunification de la Chine sera certaine. Personne ne peut l’empêcher.

Q : Mais quand ?

R : Ça dépend. On essaie de réaliser la réunification calmement, tranquillement et dans de bonnes conditions.

Q : Mais il n’y aura jamais de bonnes conditions. Parce que Monsieur Biden vous a dit qu’il est là, attention. Mais est-ce que vous pourriez résister à la puissance militaire des Etats-Unis ?

R : On est tout prêt pour réaliser notre objectif de réunification et faire résolument échec à toute ingérence extérieure.

Q : Même sur le plan militaire vous pouvez y riposter ?

R : Bien sûr.

Q : Mais selon quelles circonstances ou quels événements la Chine chercherait à récupérer Taiwan ? Qu’est-ce qu’il faut pour que vous disiez qu’on accélère la réunification ?

R : On ne peut pas dire qu’on veut accélérer, mais on va certainement réunifier le pays. Et nous dissuadons les autorités de Taiwan de prendre le risque ou franchir la ligne rouge, à savoir de faire la séparation du pays.

Q : Avec le continent ?

R : Oui, c’est ça.

Q : Mais vous avez dit récupération de tous les côtés. J’entends déjà quand. Quel est le projet de réunification avant le centenaire de la révolution, c’est à dire en 2049 ?

R : Il n’y a pas le temps. A tout moment.

Q : A tout moment s’il y a des provocations ?

R : Si c’est convenu.

Q : Qu’est-ce que vous dites aux Américains et à Monsieur Biden ?

R : Le Président XI Jinping reste en contact régulier avec le Président Biden. Il y a peu de temps les deux Chefs d’Etat ont eu une conversation téléphonique. Le Président Biden s’est engagé que les Etats-Unis n’ont pas l’intention d’entrer en guerre froide avec la Chine, n’ont pas l’intention de renverser le régime social de la Chine, et n’ont pas l’intention de soutenir la séparation de Taiwan.

Q : Attendez, je peux vous décrire et vous le croyez ?

R : Nous voulons y croire. Et le Président XI Jinping dit qu’il y attache une importance majeure.

Q : Vous avez noté que pour Monsieur Biden, puisque vous en parlez, il fait de la Chine l’ennemi des Occidentaux. Certes la guerre de l’Ukraine a un peu retardé, mais tous les Occidentaux ne sont pas d’accord. Est-ce que vous avez noté que l’Allemagne, l’Italie, Bruxelles en tête, et la France ne vous voient pas comme des ennemis mais comme des rivaux ? Comme disait Thierry Breton, des rivaux systémiques, des concurrents, c’est mieux ?

R : Je ne sais pas si c’est mieux. Pour la Chine, nous souhaitons être partenaires avec les pays européens, au lieu d’être rivaux systémiques. Parce que rivaux systémiques, c’est se combattre aussi.

Q : Aujourd’hui Madame Michelle Bachelet, Haute-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, a achevé une visite dans votre pays, visite qui a été controversée dans le Xinjiang. Pour cette première chez les Ouïgours depuis 17 ans, la Chine lui a montré ce qu’elle veut. Mais la plupart des gens disent que vous avez montré la vitrine, mais pas la réalité.

R : Mais cette visite a été arrangée après la discussion des deux parties. Je pense que Madame Bachelet est satisfaite de cette visite.

Q : Oui, mais elle est désavouée par Joe Biden, Blinken et une partie de l’ONU.

R : Mais où est le problème ? Est-ce que c’est important que les autres désavouent cette visite ? Madame Bachelet elle-même est satisfaite, ça suffit.

Q : Mais on la désavoue parce qu’une initiative apparemment personnelle de son petit groupe qui n’est pas tout à fait respectée ou qui est contestée. Mais le gouvernement chinois, j’ai vu ça dans toute la presse, reconnaît qu’un à 2 millions de personnes ont été jusqu’ici internées et rééduquées dans des cellules gardées.

R : Je n’ai pas vu de reportage qui dit que le gouvernement chinois a reconnu il y a combien de personnes internées. Ce ne sont pas des internés, ce sont des centres d’éducation et de formation professionnelles. Ce sont des stagiaires...

Q : ...gardés.

R : Alors à Paris, en France, il y a des pensionnats, les élèves...

Q : Mais il n’y a pas des militaires en armes devant les pensionnaires en France.

R : Dans les écoles et les centres d’éducation et de formation professionnelles, il n’y a pas non plus de militaires.

Q : Beaucoup de gens disent qu’après le Tibet l’ordre va régner dans le Xinjiang.

R : En France on parle aussi beaucoup de l’ordre et de l’autorité pendant la campagne des élections présidentielles. L’ordre, c’est une bonne chose, n’est-ce pas ?

Q : Ça dépend comment on le mène et quelles autorités avec quel moyens.

R : Hier soir on voit qu’en dehors de la Stade de France c’était le chaos et pas l’ordre. C’est bon ou pas ?

Q : On l’a dit, on n’a pas aimé. Alors nous allons faire une enquête libre.

R : Depuis cinq ans, il ne s’est passé aucune attaque terroriste au Xinjiang. La population locale retrouve la vie tranquille.

Q : D’accord. Mais le terrorisme, c’est pour vous quand on veut exister soi-même ? C’est-à-dire que le Xinjiang voulait une forme d’autonomie peut-être plus grande, non ?

R : Xinjiang est une région d’autonomie.

Q : Vous avez noté, Monsieur l’Ambassadeur, que le Président Macron et le chancelier Scholz veulent une fin négociée de la guerre en Ukraine. Et Monsieur XI Jinping, d’après ce que j’ai lu, aussi. Parce que la guerre déstabilise toutes les économies et le monde. Le diplomate LU Shaye, qu’est-ce qu’il dit ? Qu’est-ce qu’il faut faire ?

R : Je suis aussi pour la solution négociée de la guerre. Mais la situation change chaque jour. En Chine il y a un adage qui dit que dans un bateau en marche il est impossible de retrouver l’épée en marquant d’une entaille l’endroit où elle est tombée dans l’eau. Cela veut dire qu’il faut tenir compte du changement de la situation. Et bien sûr cela dépend des intentions des parties prenantes.

Q : Mais vous êtes favorable à des négociations ?

R : Bien sûr.

Q : Bien que ce soit difficile, parce que les uns et les autres ont des positions différentes.

R : On va déployer des efforts.

Q : Merci d’être venu Monsieur LU Shaye. C’est toujours intéressant de vous recevoir et encore une fois d’entendre à travers vous la voix de la grande Chine. Merci à vous.

R : Je vous en prie.


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