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Interview accordée par l’Ambassadeur LU Shaye à RT France sur la question de Taiwan et d’autres sujets
2022-08-17 17:39

Le 16 août 2022, l’Ambassadeur de Chine en France LU Shaye a accordé une interview à RT France sur la question de Taiwan, les relations sino-africaines et la crise ukrainienne. Voici l’intégralité de l’interview :

Q : Pour mieux comprendre la situation, nous avons le plaisir d’accueillir Monsieur LU Shaye, Ambassadeur de Chine en France. Bonjour Monsieur l’Ambassadeur, merci d’avoir accepté notre invitation. On va évoquer évidemment avec vous la situation actuellement entre Taiwan et la Chine et aussi commenter l’actualité internationale. On sent bien que depuis la visite de Nancy Pelosi à Taiwan, la tension monte entre Taipei et Pékin, plus précisément entre la Chine et les États-Unis. Un déplacement qui a été vécu, je cite, comme une grave violation des engagements américains vis-à-vis de la Chine. Pourquoi ? 

R : Tout d’abord, la question de Taiwan reste une affaire intérieure de la Chine. La visite de la président de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi à Taiwan est une ingérence flagrante dans les affaires intérieures de la Chine. Dans le Communiqué conjoint sino-américain sur l’établissement des relations diplomatiques, les États-Unis se sont engagés à reconnaître le gouvernement de la République populaire de Chine comme l’unique gouvernement légal représentant toute la Chine, et à ce que le peuple américain maintienne des relations culturelles, commerciales et d’autres relations non officielles avec la population de Taiwan. La visite de Nancy Pelosi n’est évidemment pas une visite non officielle. Elle a contacté la numéro une des autorités de Taiwan. C’est déjà un contact officiel. Donc les Américains ont violé et manqué à leurs engagements dans le Communiqué conjoint avec la Chine.

Q : Ce dimanche, des parlementaires américains se sont rendus sur l’île. Est-ce que c’est une nouvelle provocation selon vous ? On sait qu’en représailles à la visite de Nancy Pelosi, la Chine a lancé des manœuvres militaires qu’elle a d’ailleurs reprises hier. Les Américains jettent encore une fois de l’huile sur le feu ?

R : Oui. C’est tout d’abord les Américains qui jettent de l’huile sur le feu avec la visite de Nancy Pelosi, qui est le troisième personnage du pouvoir fédéral des États-Unis. Avant sa visite, le gouvernement chinois a déjà fait le plus d’efforts pour demander aux Américains de convaincre Nancy Pelosi de supprimer sa visite. Mais rien n’y fait. Les contre-mesures prises par le gouvernement chinois après sa visite en sont la réponse pour dissuader la prise de risque, les activités dangereuses des Américains et de la force sécessionniste visant l’indépendance de Taiwan, parce que leurs activités ont violé gravement la souveraineté, l’intégrité territoriale et les intérêts vitaux de la Chine.

Q : Monsieur l’Ambassadeur, vous parlez de l’ingérence. Qu’est-ce que vous craignez justement avec cette multiplication de visites à Taiwan ?

R : Nous craignons la guerre. Si on laisse continuer leurs activités provocatrices et incendiaires, au bout de ces provocations, ce sera la guerre. Pourquoi ? Parce que la réunification de la patrie et la rentrée de Taiwan à la patrie, c’est notre mission et notre intérêt vital. Aucun pays dans le monde ne permettra de laisser séparer une partie de leur territoire, y compris la Chine. Nous ne permettrons pas non plus à Taiwan de se séparer de la Chine. Nous avons déjà exprimé clairement notre position. Tout le monde et tous les pays le comprennent, y compris les États-Unis. Parce que le principe d’une seule Chine est un consensus universel de la communauté internationale et une norme fondamentale régissant les relations internationales, et est consacré par la résolution 2758 de l’Assemblée générale de l’ONU. Celui qui enfreint ce principe viole les intérêts vitaux de la Chine. La Chine a le droit de se défendre. Si on n’arrive pas à se défendre par des moyens pacifiques, on n’a qu’à recourir aux moyens non pacifiques.

Q : Vous parlez de moyens non pacifiques. On a vu justement ces manœuvres militaires qui ont été lancées. C’étaient des exercices qui étaient déjà prévus. En tout cas, c’est ce qu’avait dit le gouvernement chinois. Encore une fois, il y a aussi des sanctions politiques contre des responsables taiwanais. Jusqu’où justement cette escalade peut-elle aller ?

R : Jusqu’à ce qu’ils cessent ce genre d’activités sécessionnistes. Comme j’ai dit tout à l’heure, toutes ces contre-mesures sont pour dissuader la force sécessionniste de Taiwan de continuer leurs activités de séparation, et de dissuader les Américains de continuer de soutenir et d’enhardir les forces sécessionnistes visant la séparation de Taiwan. Parce que c’est une action très dangereuse.

Q : Alors justement, parlant des Américains, il y a quelques jours, Henry Kissinger, l’ancien secrétaire d’État américain s’est montré très critique envers la politique de son pays. Je vous propose de l’écouter. (Nous sommes au bord de la guerre avec la Russie et la Chine sur des problèmes que nous avons en partie créés, sans aucune idée de la façon dont cela va se terminer ou de ce à quoi cela est censé conduire. La politique américaine sur l’île de Taiwan a préservé la paix entre la Chine et les États-Unis pendant 50 ans. Il faut donc être très prudent dans les mesures qui semblent changer la structure de base.) Voilà des mots très durs envers la politique américaine actuelle. Est-ce que vous partagez cet avis ?

R : Je partage parfaitement l’avis de M. Kissinger qui est vraiment un grand sage de notre monde. C’est un homme centenaire. Je pense que le gouvernement américain doit écouter son avis. Il y a plus de 50 ans, la Chine et les États-Unis ont établi des relations diplomatiques justement sur la base du principe d’une seule Chine. Alors maintenant les Américains veulent détruire cette base. Ce sera une tragédie même une guerre. Je me rappelle une parole de l’ex-conseiller du président Sarkozy M. Henri Guaino : « Nous marchons vers la guerre comme des somnambules ». Alors j’espère que les Américains et la force sécessionniste à Taiwan n’entrent pas dans la guerre comme un somnambule.

Q : Vous avez dit le principe d’« un pays, deux systèmes ». On sait que Taiwan est une région autonome de la Chine depuis très longtemps. On sent cette envie des Américains mais aussi de certains Taiwanais de remettre en cause ce principe. Est-ce que cela pourrait amener la Chine à justement repenser peut-être ce principe d’une autre manière ?

R : Cela signifie exactement que depuis le début Taiwan fait partie de la Chine. En 1949, lorsque Tchang Kaï-chek a fui à Taiwan après la défaite dans la guerre civile avec le Parti communiste chinois, il reconnaissait toujours que Taiwan fait partie intégrante de la Chine. Même dans leur soi-disant Constitution de la République de Chine, il est écrit noir sur blanc que Taiwan fait partie de la Chine. Les autorités de Taiwan d’aujourd’hui reconnaissent encore officiellement et publiquement cette soi-disant constitution. Il faut leur demander d’en bien lire les articles et de voir comment ils s’écrivent. Puisque Taiwan fait partie de la Chine, quelle est la raison de demander encore de faire un référendum pour décider son destin ? S’il faut...

Q : Vous êtes favorable justement à cette idée de référendum ?

R : Non. Je n’y suis pas favorable pas parce que j’ai peur du référendum. Le référendum doit se faire sur toute la Chine, et non sur une partie de la Chine qu’est Taiwan. Dans toute la Chine, nous avons 1,4 milliard d’habitants. Et d’ailleurs, auparavant la population de Taiwan n’était pas pour la séparation, mais pour la réunification. Tchang Kaï-chek et son fils étaient pour la réunification. Ils avaient un rêve de réunifier la Chine, jusqu’à leur mort. Mais c’est après eux, avec la propagande sécessionniste du Parti démocrate progressiste pendant dix ans, 20 ans, que la mentalité de la population de Taiwan a changé. Mais je suis sûr que ce n’est pas toute la population à Taiwan qui est pour la séparation aujourd’hui. Vous pouvez demander, il y a beaucoup de Taiwanais qui expriment leur sentiment patriote vis-à-vis de la Chine. A Shanghai, il y a presque 1 million de Taiwanais qui vivent, font des affaires et étudient là-bas. Leurs origines se trouvent dans la partie continentale de Chine. Même la dirigeante de Taiwan Tsai Ing-wen est d’origine du Fujian.

Q : Du côté taiwanais, la porte-parole du ministère des Affaires étrangères de Taiwan a déclaré « Pour maintenir nos lignes de défense libérale démocratique, nous ne reculerons pas ». Puisqu’on voit que Taiwan a aussi lancé des manœuvres militaires. Et vous avez déclaré il y a quelques jours « La Chine est prête à tout. Qui veut la paix prépare la guerre ». C’est une déclaration très forte. Pour éviter justement une escalade et d’arriver justement à un conflit, est-ce qu’un dialogue direct aujourd’hui est possible entre les autorités chinoises et les autorités taiwanaises ?

R : Le dialogue est possible uniquement sur la base du principe d’une seule Chine. Entre les deux côtés du détroit, nous avons le consensus de 1992. On peut faire des discussions et consultations sur la base de ce consensus. Le problème est que les autorités de Taiwan d’aujourd’hui ne le reconnaissent pas. Il n’existe pas de base de dialogue pour le moment. Il n’y a pas de « ministère des Affaires étrangères de Taiwan », c’est le département chargé des affaires extérieures. La parole de sa porte-parole signifie exactement que les autorités de Taiwan aujourd’hui s’obstinent encore à aller toujours plus loin sur la voie dangereuse de séparation de la patrie. Dans ce cas-là, le gouvernement chinois exprime sa détermination de prendre toutes les mesures nécessaires pour maintenir l’unification de la Chine et faire résolument échec à toute tentative de séparation.

Q : Je vais profiter de votre présence avec vous en plateau, Monsieur l’Ambassadeur, pour aborder un autre sujet : la question de la présence chinoise en Afrique. Puisqu’on voit bien que cette présence de la Chine en Afrique dérange certains dont les États-Unis - à l’image d’Antony Blinken qui s’est rendu récemment en Afrique pour effectuer une tournée là-bas et pour essayer de montrer une nouvelle stratégie américaine - mais aussi inquiète la France. On entend souvent justement les politiques français qui mettent en garde contre l’influence de la Chine en Afrique. En quelques mots, comment est-ce que vous décrivez l’intérêt de Pékin pour le continent qui a été sous influence française pendant très longtemps ?

R : Les relations sino-africaines datent de très longtemps. Depuis le début des années 60 du dernier siècle, lors du mouvement de libération des pays africains, la Chine leur a fourni beaucoup d’assistance économique, politique, même militaire. Beaucoup de pays africains ont obtenu l’indépendance à l’aide des assistances de la Chine. À cette époque-là, la Chine n’était pas encore riche. Nous étions encore très pauvres, mais nous avons sorti beaucoup d’argent pour les aider. Un bon exemple, c’est la construction du chemin de fer de la Tanzanie à la Zambie de 1 800 kilomètres qui marche encore aujourd’hui. Et après, quand la Chine se développe, nous avons plus de moyens et ressources pour aider les pays africains. Nous avons investi plus aux pays africains pour les aider à construire des infrastructures et des installations sociales et civiles, par exemple la construction d’hôpitaux et d’écoles et le développement de l’agriculture. On a remporté beaucoup de bons résultats. A partir de l’an 2000, la Chine et des pays africains ont créé un forum sur la coopération bilatérale. On tient une conférence tous les trois ans. Chaque fois, on établit un programme de coopération pour les trois ans à venir. Et chaque fois, on réalise tout notre programme. Maintenant on peut dire que l’influence de la Chine en Afrique devient de plus en plus grande. Mais je pense que cela n’a rien à craindre. Parce que la présence de la Chine est une bonne chose pour les pays africains et pour le monde. Pourquoi ? Parce que si les pays africains sortent de la pauvreté, c’est aussi une contribution au développement et à la prospérité du monde.

Q : Dernière question, Monsieur l’Ambassadeur, juste un mot sur l’Ukraine, puisque c’est aussi un sujet qui fait la une de l’actualité évidemment dans le sillage de ce qui se passe un petit peu à Taiwan. Le 4 août dernier, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a estimé que le président chinois pourrait faire usage de son influence sur la Russie pour mettre un terme à la guerre. Il a même lancé une invitation : il aimerait rencontrer en personne son homologue chinois. Comment est-ce que cette déclaration a été accueillie du côté de Pékin ?

R : La Chine appelle depuis le début à résoudre la crise ukrainienne par voie pacifique et à travers les dialogue et consultations entre les parties prenantes. Il y a quelques temps, le président chinois XI Jinping a avancé une initiative sur la sécurité mondiale en six points. Ces six points peuvent exactement être utilisés pour résoudre ce problème. Nous pensons que c’est une crise entre la Russie et l’Ukraine, et plus largement entre la Russie et l’OTAN. La Chine fait toujours son jugement sur la base de la réalité. Nous tenons toujours compte des tenants et aboutissants de la crise. On a déjà exprimé à maintes reprises ce que nous pensons de cette crise. En un mot, nous préconisons toujours la résolution de la crise par voie pacifique. Et bien sûr, il faut résoudre les préoccupations légitimes de la sécurité de tous les pays, y compris de la Russie. La Russie a avancé que ce sont les cinq cycles d’élargissement de l’OTAN qui ont lui causé un problème sécuritaire. D’ailleurs il s’est passé des choses sur les territoires à l’Est de l’Ukraine, ce qui touche aux intérêts de la Russie. Je pense qu’il faut que la Russie et l’Ukraine se mettent sur la table pour discuter de leurs problèmes. Il y a quelques mois, les deux parties sont presque tombées sur un accord, mais malheureusement avec des interventions extérieures, les pourparlers ont échoué. Cette crise est préjudiciable à tous les pays du monde, y compris et surtout des pays européens qui sont victimes des sanctions imposées par eux-mêmes à la Russie. C’est pourquoi la résolution le plus tôt possible de la crise est favorable à tout le monde.

Q : Merci beaucoup Monsieur l’Ambassadeur d’avoir accepté notre invitation et d’avoir répondu à nos questions.

R :  Je vous en prie.

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