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Interview accordée par l’Ambassadeur LU Shaye au magazine Challenges
2022-12-03 01:25

Le 28 novembre 2022, l’Ambassadeur de Chine en France LU Shaye a accordé une interview au magazine Challenges sur la lutte chinoise contre la COVID-19, les relations Chine-Occident, la crise ukrainienne et les prétendus « postes de police clandestins chinois », voici l’intégralité de l’interview :

J1 : Monsieur l’Ambassadeur, merci de nous recevoir. Sur des événements récents en Chine depuis vendredi, avec ce que nos médias présentent comme un début de contagion des mobilisations importantes, quelle est votre lecture de la situation ? Est-ce que pour vous, on assiste quand même à des manifestations très importantes à une remise en cause du « zéro COVID » ? 

R : Le gouvernement chinois adopte une approche de prévention et de contrôle de l’épidémie différente des autres pays. La Chine a été le premier pays à signaler le coronavirus. Avec nos efforts, le gouvernement chinois a vite maîtrisé l’épidémie et mis seulement quelques mois pour éradiquer le virus dans le pays. Mais malheureusement, l’épidémie s’est ensuite propagée dans le monde et nous sommes confrontés à l’importation des cas de contamination de l’extérieur. C’est pourquoi depuis la mi-2020 le gouvernement chinois adopte l’approche « zéro COVID dynamique », qui est de faire le contrôle immédiat une fois le cas de contamination découvert, que ce soit importé ou local. On peut dire que durant les deux ou trois dernières années, cette politique a été très efficace, parce que nous avons réussi à maintenir le nombre de cas de contamination et de décès causés par la COVID-19 à un niveau très bas. Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons enregistré que 5 227 morts et quelque 300 000 cas de contamination.

J2 : Pardon, mais on voit que la contamination de ces derniers jours a reparti.

R : Ces quelques jours, on a enregistré des cas de contamination beaucoup plus qu’auparavant. Mais par rapport aux autres pays, c’est toujours à un niveau très bas. Cette politique a duré deux ans et demi ou presque trois ans, il existe une lassitude dans la population. Pour endiguer la dissémination du virus, les gouvernements locaux chinois, provinciaux et municipaux, appliquent de temps en temps les confinements. C’est pourquoi le 11 novembre le gouvernement chinois a sorti une vingtaine de mesures pour assouplir l’approche « zéro COVID », optimiser la prévention et le contrôle du virus, et les rendre plus scientifiques et plus ciblés. Parmi ces 20 mesures, on a tenu compte des prévention et contrôle de l’épidémie, et de la vie de la population et la production du pays. Ces mesures sont assez équilibrées et appropriées. Mais malheureusement, certains gouvernements locaux n’ont pas dûment appliqué ces mesures. Parce qu’ils n’ont pas bien compris les mesures et ont toujours adopté des méthodes très simples et rigides pour maîtriser l’augmentation des cas de contamination. Ils ont un peu peur de voir la montée rapide des cas de contamination.

J1 : Vous pensez au Xinjiang notamment ? Là où il y a eu...

R : Oui, y compris au Xinjiang. Je comprends que vous indiquez l’incendie qui a eu lieu au Xinjiang. Mais cet incendie n’a pas été causé par les mesures sanitaires. Cet incendie a eu lieu dans le contexte de l’épidémie. C’est vrai qu’il y a eu les mesures de contrôle et de confinement. Mais on ne peut pas dire comme les médias occidentaux que l’incendie a été causé par ces mesures.

J2 : Vous avez parlé de la gestion dynamique de la politique « zéro COVID » et utilisé les termes de « lassitude » et de « mécontentement ». Est-ce que cette gestion dynamique se base sur des critères purement sanitaires ou le gouvernement prend en compte l’état de l’opinion de lassitude et de mécontentement en Chine ? Parce qu’on sent quand même qu’il y a une pression de l’opinion publique.

R : D’abord, cette approche repose principalement sur les prévention et contrôle de l’épidémie. Pour en élaborer les mesures, le gouvernement chinois suit des principes fondamentaux, tels que placer le peuple et la vie par-dessus tout. C’est la pensée préconisée par le président Xi Jinping depuis le début de l’épidémie. Le Parti communiste chinois a une tradition de tenir compte de la volonté et de l’aspiration du peuple pour servir le peuple. Si le peuple a des souhaits, le gouvernement chinois en tiendra certainement compte. C’est pourquoi chaque fois qu’il y a des appels ou souhaits de la part du peuple, le gouvernement chinois y répond tout de suite. Vous pouvez voir que ces quelques jours les gouvernements central et locaux ont tout de suite réagi.

J1 : Oui, on a vu notamment à Shanghai des slogans qui étaient assez mécontents du pouvoir. Est-ce que pour vous aussi, les événements qui ont lieu aujourd’hui en Chine, c’est une première depuis 1989 ? 

R : Ce genre d’événements et slogans démontrent qu’il y a des forces étrangères anti-chinoises qui ont utilisé des éléments intérieurs de la Chine pour parvenir à leur propre but. Ils veulent semer la discorde dans le pays, comme on l’a vu il y a quelques années à Hong Kong et dans d’autres pays en voie de développement.

J1 : Vous pensez aux Etats-Unis ?

R : Oui. Quand je dis forces étrangères anti-chinoises, ce sont surtout les forces occidentales. Ils n’hésitent jamais à saisir la moindre émergence d’incidents en Chine pour créer des problèmes dans le pays.

J2 : Puisque vous dites qu’il y a du mécontentement, il y a un fondement d’exaspération vis-à-vis de la situation...

R : Dans chaque pays, en Chine comme en France, il y a des problèmes sociaux, n’est-ce pas ? Mais en France, quand des incidents sociaux se passent, il n’y a pas de forces étrangères pour semer la discorde et créer des troubles. Mais en Chine c’est différent, parce qu’il y a des forces étrangères et surtout occidentales, elles saisissent l’occasion et croient que l’opportunité arrive pour semer le désordre en Chine. 

J1 : Vous pensez que naturellement un citoyen chinois ne peut pas émettre des critiques envers le pouvoir chinois ?

R : Les citoyens chinois ont naturellement le droit d’émettre leur volonté et leur ressentiment. Il n’y a pas de problème. Vous avez vu des manifestations de ces quelques jours. C’est la manifestation de leurs souhaits. C’est pourquoi j’ai dit que chaque fois que la population a des aspirations ou expressions, le gouvernement chinois y répond tout de suite.

J1 : Mais sur la gestion de cette crise par le pouvoir chinois, on voit que sur les réseaux sociaux tous les témoignages qui sont favorables à ces manifestations sont réprimés.

R : Il y a la gestion sur les réseaux sociaux dans tous les pays. Chez vous, Twitter peut fermer des comptes. Pour moi c’est la même chose.

J2 : Comment vous qualifieriez les relations avec l’Occident en ce moment ? On a vu que les Etats-Unis ont interdit tous les opérateurs des équipementiers télécoms chinois sur le territoire. C’est une guerre froide ? Puisqu’il y a eu quand même des rencontres récemment entre vos dirigeants avec des Américains, dans quel état on est dans cette relation entre la Chine et l’Occident ?

R : En effet, la Chine souhaite développer de bonnes relations d’amitié et de coopération avec les pays occidentaux. Depuis plus de 40 ans de l’application de la politique de la réforme et de l’ouverture de la Chine, les relations entre la Chine et les pays occidentaux se sont assez bien développées. C’est gagnant-gagnant parce que les deux parties en bénéficient. Le problème est que ces dernières années, les Américains ne veulent pas voir la montée en puissance et le développement continu de la Chine. Ils ont pris toutes sortes de moyens pour empêcher le développement économique et scientifique de la Chine. Ils ont même utilisé toutes les forces de leur Etat, la première puissance du monde, pour empêcher le développement de la Chine. Ils ont même créé des incidents pour faire arrêter la fille d’un patron de Huawei et pour intimider cette entreprise. Il y a quelques jours, le gouvernement américain a sorti des mesures pour interdir la vente des équipements des sociétés de télécommunication chinoises. Cela ne correspond pas aux règles de l’économie de marché, ni aux règles de l’OMC, ni aux règles écrites par les Occidentaux. Ce n’est pas juste. Même dans ce cas-là, la Chine continue à dialoguer avec les Américains. Vous l’avez évoqué, il y a quelques temps, les dirigeants des deux pays se sont rencontrés. Le dirigeant américain a fait des engagements vis-à-vis du président chinois, mais malheureusement il n’a pas tenu ses promesses. Seulement quelques jours après son engagement, l’administration des Etats-Unis a sorti de nouvelles mesures de sanctions contre les sociétés chinoises. En ce qui concerne le monde occidental, la position du gouvernement chinois sur le monde occidental reste constante. Nous souhaitons développer une relation de coopération sur un pied d’égalité avec tous les pays occidentaux, surtout avec les pays européens et la France. Maintenant, l’Union européenne est notre deuxième partenaire commercial, dont le volume commercial annuel s’est élevé à 800 milliards de dollars. Les intérêts de nos deux parties sont étroitement liés.

J2 : Avec l’Union européenne, ça se passe un peu mieux qu’avec les Américains. Charles Michel va visiter la Chine. 

R : Oui, je pense que c’est un peu mieux, même si les pays européens sont alliés des Etats-Unis. Mais quand même, sur la politique chinoise, les pays européens sont meilleurs que les Américains. Le président du Conseil européen Charles Michel va se rendre en Chine...

J1 : Emmanuel Macron va visiter la Chine le 3 janvier, c’est ça ?

R : Je ne sais pas la date précise, mais la partie française a déjà fait connaître au public que le président Macron va visiter aussi la Chine. Nous essayons d’améliorer les relations avec les pays européens à travers ces rencontres de haut niveau entre les deux parties. Pour nous, il y a plus de convergences que divergences et plus de coopération que confrontation. La Chine et l’Europe se trouvent l’une de l’autre une dizaine de milliers de kilomètres. Nous n’avons pas de conflit tant sur le plan économique que sur le plan géopolitique.

J1 : Et la relation spécifiquement avec la France, notamment avec Emmanuel Macron, vous la qualifieriez comment ? Est-ce que pour vous, elle répond à vos attentes ? Est-ce que vous aimeriez qu’il y ait plus d’échange notamment économique ? Est-ce que pour vous, la France est une économie trop fermée qui contrôle des investissements chinois trop fort ? 

R : Le protectionnisme, ce n’est pas ce que nous souhaitons. Nous souhaitons toujours que la France et d’autres pays de l’Union européenne puissent ouvrir leurs marchés vis-à-vis des investisseurs chinois. Selon les statistiques de la partie française, l’agrégat d’investissements français en Chine se lève maintenant à 35 millards d’euros. Mais à l’inverse, l’investissement chinois en France n’est que de 8,5 milliards d’euros, soit un quart des investissements français en Chine.

J2 : Vous êtes moins les bienvenus qu’il y a quelques années en France. Pourquoi est-ce qu’il y a eu ce changement selon vous ?

R : Je ne comprends pas pourquoi il y a ce changement. Les investisseurs chinois apportent des opportunités de marché aux Français. Pourquoi nous ne sommes pas bienvenus ?

J2 : Côté chinois, la stratégie des investissements à l’étranger a aussi évolué depuis quelques années. Il y a certains investisseurs qui se sont repliés.

R : Ce sont surtout des investisseurs privés. Quelles sont leurs stratégies, je ne connais pas. Mais je pense que pour les investisseurs, s’ils viennent dans quelques pays, c’est pour gagner de l’argent. S’ils ne peuvent pas gagner de l’argent, ils quittent.

J2 : Le Club Méditerranée est un privé. C’est un investissement important de la Chine en France.

R : C’est un succès.

J2 : Sauf que la société chinoise a un peu de difficultés financières et est en train de vendre des actifs. Vous pensez que c’est un actif stratégique pour leur...

R : C’est leur propre problème. Ça ne regarde pas le gouvernement chinois. 

J2 : Mais c’est un investissement chinois très emblématique et très connu.

R : C’est un projet d’investissement très réussi. Nous espérons qu’il y a encore plus ce genre d’investissement, mais malheureusement je n’ai pas vu d’autres projets de ce genre de réussite. 

J1 : Juste une parenthèse. Quand vous parliez tout à l’heure de la COVID, et du fait qu’au départ de l’épidémie vous aviez répondu et solutionné l’épidémie et que finalement c’est des cas de contamination importés. Donc pour vous, c’est que les contaminations de COVID et la vague qu’on voit aujourd’hui depuis deux ans, elles sont dues à une contamination qui venait de l’extérieur ?

R : On peut dire ça. Au mois d’avril 2020, on a éradiqué totalement le virus en Chine. Il n’y avait aucun cas. Mais la Chine ne peut pas fermer la porte, nous avons encore des échanges avec les pays étrangers. Il y a des vols aériens même si on les a réduits, il y a des importation et exportation des marchandises. Les scientifiques chinois ont découvert que le virus peut exister sur les emballages des marchandises surcongelées.

J2 : Alors il y a différentes façons de réagir, le confinement mais aussi la vaccination. On émet des doutes sur la qualité des vaccins chinois. Est-ce que vous envisagez une diversification, peut-être d’importer des vaccins ?

R : Le problème est qu’en Chine nous avons assez de vaccins. Nous avons une trentaine de sortes de vaccin sur les cinq lignes scientifiques, comme des vaccins à virus inactivé, vaccins à adénovirus, vaccins à protéine recombinante et vaccins à ARN messager.

J2 : Est-ce qu’il va y avoir une évolution, peut-être des percées scientifiques qui les rendraient plus efficaces ? En France, on a eu du mal, on a enfin sorti les vaccins...

R : Nous avons même des vaccins inhalables très efficaces qui n’ont pas besoin d’être inoculés par les piqûres. La recherche scientifique a prouvé que les vaccins à virus inactivé sont aussi efficaces que les vaccins à ARN messager pour prévenir les cas graves. Si on administre une ou deux doses de rappel, tous les deux représentent une efficacité de plus de 90 %. Ce n’est pas le résultat de la recherche des scientifiques de la Chine continentale, mais le résultat de la recherche des scientifiques à Hong Kong, dans d’autres pays occidentaux et en Europe. Donc il n’y aurait pas eu de doute sur l’efficacité des vaccins chinois. Les vaccins chinois à ARN messager sont déjà homologués en Indonésie lors du sommet du G20. C’est à cause du marché limité que ce vaccin n’a pas été beaucoup utilisé dans le monde. Il y a déjà des Pfizer et Moderna. La Chine continue à développer des vaccins ciblant Omicron. Le taux de vaccination en Chine pour les adultes entre 18 ans et 60 ans est assez élevé : plus de 90 %. Mais pour les personnes plus âgées, le taux est relativement bas. Parce qu’en Chine les gens âgés n’ont pas beaucoup de confiance aux vaccins.

J2 : Où est la nécessité d’avoir encore des confinements ? Parce que si le vaccin est vraiment efficace...

R : C’est justement l’inverse. C’est parce que le gouvernement a trop bien protégé la population que la population pense qu’on n’a pas besoin de se faire vacciner, parce qu’il n’y a pas beaucoup de virus autour. C’est pourquoi je pense que c’est un problème. C’est pourquoi dans les 20 mesures, il y a une mesure préconisant d’accélérer la vaccination dans la population, surtout dans les personnes âgées au-dessus de 80 ans. C’est le groupe de population qui est le plus fragile vis-à-vis du virus.

J1 : Sur l’origine du virus, le manque de transparence et de coopération de la Chine, notamment avec l’OMS ou avec d’autres pays, est pointé du doigt. Pourquoi aujourd’hui on n’a toujours pas d’explications ? Est-ce qu’il y a une volonté côté chinois d’apporter vraiment une réponse à l’origine du virus ?

R : Vous ne le connaissez pas ? Il y a une explication très claire de la part du gouvernement chinois et de l’OMS, et c’est depuis longtemps. Le gouvernement chinois a invité le groupe d’experts de l’OMS à visiter à deux reprises en Chine.

J1 : Ils n’ont pas pu tout voir.

R : Ils ont tout vu. Le chef du groupe d’experts de l’OMS dit qu’ils sont allés là où ils veulent y aller et qu’ils ont rencontré les personnes qu’ils veulent rencontrer. Pourquoi maintenant il existe encore des allégations sur la transparence de l’origine du virus ? C’est plutôt le complot des Américains. Les experts de l’OMS ont avoué qu’on avait déjà exclu presque totalement la possibilité de la fuite de laboratoires chinois, mais on ne peut pas exclure toutes les possibilités de la fuite de laboratoire. J’en suis d’accord. Il y a la plus grande possibilité que le virus fuie de laboratoires américains. Par exemple, vous connaissez le laboratoire militaire américain Fort Detrick. Ils ont eu des accidents au milieu de l’année 2019.

J2 : Quand vous parlez des complots des Américains, c’est que les allégations sont le fruit d’un complot américain ou l’origine du virus est un complot américain ?

R : Sur la fuite du virus. C’est eux qui l’ont dit.

J2 : Vous ne les accusez pas non plus d’être à l’origine du virus ?

R : Il faut faire l’enquête. Puisque l’OMS a déjà fait l’enquête en Chine, elle doit aller aux Etats-Unis pour visiter ces laboratoires. Pourquoi pas ? 

J1 : Aujourd’hui il y a plutôt un consensus des scientifiques pour dire que soit ça a été une zoonose naturelle qui s’est créée en Chine avec un animal ou une chauve-souris contaminant un autre animal puis un humain, soit qu’il y a eu un accident dans un laboratoire chinois.

R : Il ne faut pas se concentrer sur la Chine. D’après ce que je sais, avant le signalement du premier cas de contamination en Chine à la fin de l’année 2019, il y avait eu déjà en Europe des cas de COVID-19. On ne savait pas à ce temps-là, mais après on connaît a posteriori que c’étaient des cas de COVID-19. C’est beaucoup plus tôt qu’en Chine. Aux Etats-Unis, c’est le même cas. Mais pourquoi on ne fait pas d’enquête en Europe et aux Etats-Unis, mais seulement sur la Chine ?

J2 : Juste pour revenir sur la situation actuelle. On voit que le gouvernement chinois a un peu desserré les contraintes sanitaires et le virus commence à se propager, et au même moment il y a une lassitude et un mécontentement. Alors que c’est difficile de faire des scénarios, mais vous êtes plutôt optimiste sur la situation ?

R : Personnellement, j’ai la confiance en mon gouvernement pour bien régler le problème. Même si maintenant on constate une montée puissante du nombre de cas de contamination, le gouvernement chinois, avec le soutien du peuple chinois, pourra absolument réussir à bien maîtriser la situation. On doit avouer que le virus, avec des variants de plusieurs générations, sa contagiosité est beaucoup plus grande et sa dangerosité est beaucoup moins grave. C’est la tendance. Alors est-ce que cette tendance peut être scellée par l’OMS et les scientifiques ? Jusqu’à aujourd’hui l’OMS n’a pas déclaré la fin de l’urgence de santé publique de portée internationale. Cela signifie que les scientifiques de l’OMS n’ont pas encore la certitude sur cela. Dans ce contexte, le gouvernement chinois continuera à appliquer l’approche « zéro COVID dynamique », mais on peut avoir des ajustements. On connaît déjà que le coronavirus ne pourrait pas peut-être éliminé vu sa répartition dans le monde entier. On est obligé de vivre avec le virus. Je pense que le gouvernement chinois y pense certainement. On aura nos propres approches pour faire face à cette nouvelle situation.

J1 : Sur votre rôle d’ambassadeur, vous avez été assez actif depuis que vous êtes ici. On a parlé que vous incarniez un peu cette stratégie des loups combattants. On vous sent peut-être un peu moins actif qu’il y a quelques mois. Est-ce que vous êtes moins actif ou est-ce que vous avez une nouvelle stratégie diplomatique ?

R : Vous ne suivez pas les comptes de réseaux sociaux de notre ambassade ? Je suis très actif ces derniers temps, au moins depuis le mois d’août. Après la visite de la présidente de la Chambre des représentants américaine Nancy Pelosi à Taiwan, j’ai accordé six fois interviews à la télévision française en une semaine. Et récemment aussi, j’ai accordé des interviews à la télévision française et participé à plusieurs dîners-débats organisés par des différentes institutions françaises. Je suis très actif pour présenter la Chine et le 20ᵉ Congrès national du PCC.

J1 : Vous assumez ce qualificatif de loup combattant. Est-ce que vous comprenez que dire « hyène folle » d’un chercheur, ça a pu choquer ou pas ?

R : Vous êtes choqués ? Vos diplomates et des dirigeants des pays occidentaux sont souvent beaucoup plus choquants que moi. Je n’ai pas besoin de vous donner des exemples. C’est plutôt un label que vous collez sur moi pour me discréditer, parce que vous n’êtes pas contents, parce que j’ai très bien fait pour défendre mon pays et que j’ai très bien répliqué à des attaques faites par certaines personnes sinophobes qui inventent toujours des mensonges sur la Chine et la dénigrent. J’ai besoin de défendre la Chine, de leur faire la réplique, et de leur répondre. Ce n’est pas agressif. Je parle toujours de manière très polie.

J2 : Juste un mot sur la grande diplomatie sur l’Ukraine. On voit que la Chine a un rôle clé dans ce conflit. Est-ce qu’il y a un moment où il ne faut pas considérer que les frontières sont quelque chose que vous soutenez, considérant sur la situation à Taiwan que les frontières sont quand même intangibles ? Est-ce qu’il ne faut pas quand même à un moment condamner l’invasion d’un pays par un autre ?

R : La position du gouvernement chinois sur la crise ukrainienne reste constante. Le président XI Jinping a réaffirmé à maintes reprises que la souveraineté et l’intégrité territoriale de tous les pays doivent être respectées. Les buts et principes de la Charte des Nations Unies doivent être observés. Les préoccupations légitimes de sécurité de tous les pays doivent être prises en compte. Et tous les efforts visant à résoudre pacifiquement la crise doivent être soutenus. C’est notre position. Concernant la crise de l’Ukraine, le gouvernement chinois prend ses position et politique toujours sur les faits de la réalité. On est d’avis qu’il ne faut pas se limiter aux apparences et qu’il faut s’attaquer à la racine du problème. Vous connaissez tous quelles sont les causes profondes de cette crise. C’est pourquoi nous souhaitons que toutes les parties prenantes de la crise, y compris les Russes, les Américains et les Européens, s’assoient sur la table pour négocier une nouvelle structure de sécurité en Europe incluant la Russie. Je me souviens d’un dirigeant européen qui a dit qu’une structure sécuritaire en Europe sans Russie n’a pas de sens. La solution finale de la crise réside dans la négociation et le dialogue.

J1 : Les racines de cette crise pour vous est l’OTAN, c’est qu’il y a une menace côté russe, la Russie avait raison ?

R : Vous le connaissez aussi. Le Président Poutine a réaffirmé depuis des années que l’expansion de l’OTAN vers l’Est constitue une menace de sécurité à la Russie. Les Russes veulent discuter avec les Occidentaux, mais ils sont refusés. Pour la Chine, nous pensons que puisque les Européens et les Occidentaux insistent tant sur la sauvegarde de la souveraineté et de l’intégrité d’un pays, vous devez adopter la même position sur la question de Taiwan. Nous avons réaffirmé beaucoup de fois à nos amis européens et français que Taiwan fait partie de la Chine. Mais on voit que les Occidentaux font toujours des provocations pour porter atteinte à la souveraineté et l’intégrité territoriale chinoise, par exemple envoyer leurs députés visiter Taiwan et faire des contacts officiels avec Taiwan, à l’instar des Américains. C’est dommage. Il ne faut pas jouer la duplicité, n’est-ce pas ? Sur vos propres problèmes, vous insistez bien sur la souveraineté, par exemple la Corse pour la France, la Catalogne pour l’Espagne. Aucun pays européen ne reconnaît pas l’indépendance de la Catalogne. Vous soutenez bien le gouvernement espagnol. Pourquoi vous ne soutenez pas le gouvernement chinois pour sauvegarder la souveraineté et l’intégrité territoriale de son pays ?

J1 : Sur l’Ukraine, est-ce que vous admettez et entendez le discours de beaucoup qui est que la Chine s’affiche quand même comme très proche de la Russie et n’envoie pas forcément à l’Ukraine un message qui est celui de la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes, et celui que le message que tient la Chine finalement ailleurs dans le monde...Est-ce qu’il n’y a pas une contradiction avec un soutien quand même plus ou moins visible de la Chine à la Russie ?

R : Nous avons notre position indépendante. Comment vous pouvez affirmer que la Chine a soutenu la Russie ? Nous n’avons pas appliqué vos sanctions contre la Russie, mais dans le monde il y a encore beaucoup de pays qui n’ont pas appliqué de sanctions occidentales contre la Russie et qui ont toujours des commerces avec la Russie. Nous prenons notre position comme la majorité de la communauté internationale. C’est une position plus juste et plus équitable.

J1 : Un mot sur les postes de police clandestins chinois. On en a parlé beaucoup il y a quelques semaines en Europe. On en a eu deux ou trois en France. Quelle est votre réaction finalement à cette publication sur le fait qu’il y a des centres de police clandestins gérés par des Chinois et la diaspora chinoise, qui pourraient contrôler l’opposition chinoise, ou le Falun Gong, ou les Ouïghours qui sont en France ou en Europe ? 

R : Je pense que cette affaire a été médiatisée et diabolisée par des médias occidentaux. Ces institutions sont créées par la police des gouvernements locaux de la Chine, pas pour surveiller les ressortissants chinois à l’étranger, mais pour faciliter la vie des ressortissants chinois, par exemple renouveler le permis de conduite...

J2 : Vous dites les gouvernements locaux, c’est le gouvernement chinois ? C’est des antennes consulaires comme vous les présentez ?

R : Non, ce sont des gouvernements locaux de la Chine. Ce n’est pas le gouvernement central. Presque toutes les provinces de la Chine ont leurs propres ressortissants en Europe et dans le monde entier. Aux Etats-Unis, il y en a encore plus, en France il y en a, et surtout des provinces du Zhejiang et du Fujian.

J2 : Donc les provinces ont des locaux en France pour que les gens puissent aller résoudre leurs problèmes ?

R : Elles n’ont pas de succursales en France. C’est pourquoi elles veulent inviter des ressortissants qui sont déjà résidents en France pour les aider à accorder des facilités aux ressortissants, par exemple pour le renouvellement du permis de conduite. Ces quelques années, à cause de la COVID-19, il est difficile pour eux de rentrer dans le pays. Il y a encore d’autres affaires, mais toujours des affaires civiles, pas des affaires policiers.

J1 : Vous avez combien de postes de police chinois en France ?

R : Je n’en ai pas le chiffre parce que je n’ai pas de contact avec eux. Je n’ai pas vu de reportage sur ce genre d’institutions en France, mais seulement dans d’autres pays européens. Ce sont des installations pour faciliter les affaires civiles pour les ressortissants chinois. C’est pourquoi je suis un peu scandalisé par les reportages des médias occidentaux. Ils saisissent les moindres opportunités pour dénigrer et stigmatiser la Chine.

J2 : Pas seulement ça. Quand même on aime bien les Chinois et l’histoire chinoise aussi en France, non ?

R : Les Français n’aiment pas tous la Chine. Vous devez avouer que vous avez aussi la coutume de diaboliser la Chine, depuis 100 ans, depuis 19e siècle. Mais on n’a pas changé l’habitude.

J1 : Côté renseignement français, les services de renseignement considèrent que ces postes de police peuvent être aussi un moyen de faire pression sur des Falun Gong et des Ouïgours. Est-ce qu’il y a eu par le passé des expulsions par les services français de citoyens chinois ? Est-ce que vous trouvez ça normal ou est-ce que vous trouvez que c’est de la discrimination ? 

R : Est-ce qu’il y a des expulsions par la police ou bien des institutions françaises de certains ressortissants chinois ? Je ne sais pas. S’il y en a, c’est la coopération judiciaire entre les deux pays. C’est normal.

J1 : Depuis que vous êtes ambassadeur, vous n’avez connu aucune expulsion de Chinois par le gouvernement français, diplomates ou espions ? Rien ? Personne ?

R : Non. Encore moins espions. C’est encore une diabolisation.

J2 : C’est normal d’avoir des espions quand même. Il y a des espions chinois, il y a des espions français, il y a des espions américains, ce n’est pas diaboliser.

R : Au moins il n’y a pas d’exemple ou de preuve. Si vous accusez la Chine, il faut produire des preuves. Il ne faut pas l’accuser gratuitement.


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