中文  
Notre époque appelle à plus de « Peyrefitte »
2023-05-30 22:57

En 1973, Alain Peyrefitte, homme politique français, chercheur de renom et membre de l’Académie française, titrait son ouvrage consacré à la Chine avec la fameuse phrase de Napoléon Ier : « Quand la Chine s’éveillera... le monde tremblera ». Pronostiquant une grande montée en puissance de la Chine au XXIe siècle, ce livre a créé un grand retentissement en Occident et reste aujourd’hui considéré comme un ouvrage classique pour comprendre la Chine contemporaine. Récemment, Le Figaro a publié un article intitulé 50 ans après la prophétie de Peyrefitte, la Chine s’est éveillée… et le monde tremble, dont le fil directeur peut être résumé comme suit : la réussite remarquable de la Chine est indéniable, mais son caractère « dictatorial » fait que son modèle n’est ni durable ni duplicable. Cependant, une lecture plus attentive de cet article permet de constater son caractère mystificateur : à première vue, l’article semble s’appuyer sur le classique de Peyrefitte pour étayer ses argumentations, jetant un regard sur le passé pour mieux comprendre le présent, mais sous ce couvert de réinterprétation de classique, se cache en réalité le dessein de ressusciter la théorie de l’« effondrement de la Chine ». Ne pouvant partager toutes les opinions de l’auteur du Figaro, nous tenons à engager des discussions autour de cet article.

Dans Quand la Chine s’éveillera, Peyrefitte observa avec enthousiasme la Chine comme le « laboratoire d’une révolution » et décrivit les changements spectaculaires de la société chinoise d’une manière généralement objective et positive. Bien entendu, en raison des énormes différences de cultures et de valeurs entre l’Orient et l’Occident, il est tout à fait naturel qu’il n’aurait pas pu comprendre parfaitement tous les aspects du développement de la Chine. L’article du Figaro, cependant, déforme délibérément le ton du texte original de Peyrefitte : les passages négatifs sont partialement amplifiés, tandis que les citations positives sont toujours assorties d’un « mais », essayant ainsi d’induire les lecteurs en erreur en les amenant à croire que « Peyrefitte avait déjà pressenti un effondrement de la Chine à cause des ‘fragilités’ de son régime ».

Par exemple, après avoir cité, non sans réticence, l’appréciation positive de Peyrefitte sur les réalisations de la Chine pendant l’ère Mao : « Les succès de cette voie chinoise tracée par Mao Tsé-toung sont indéniables. La nation est réunifiée et l’empire du Milieu restauré, conjurant l’humiliation des traités inégaux du XIXe siècle. La faim est vaincue, et la productivité de l’agriculture s’améliore. Des réussites technologiques remarquables s’affirment, du nucléaire à l’espace. Les bases du décollage économique sont jetées avec une production qui progresse plus rapidement que la population », l’article affirme que « mais le coût de ces réussites reste exorbitant » et prétend qu’Alain Peyrefitte « estime le nombre des victimes de Mao autour de 50 millions de personnes », signalant que « ce qui est cohérent avec les évaluations des historiens contemporains qui l’établissent entre 45 et 72 millions de morts ». Même si en mettant de côté la question de savoir si « 50 millions de victimes » sont un chiffre bien fondé cité par Peyrefitte lui-même, peut-on dire pour autant que « victimes » égalent « morts » ? Tel est le sophisme de l’auteur de l’article : il fait semblant de citer fidèlement les propos de Peyrefitte avec « 50 millions de victimes », puis il fait délibérément un parallèle entre ce chiffre et une autre allégation plus sensationnelle mais douteuse de « 45 à 72 millions de morts », pour brouiller les notions et faire croire que les « victimes » chez Peyrefitte sont des « morts ». Alain Peyrefitte étant un chercheur et académicien respecté, les faits et les chiffres sortis de sa bouche seraient censés certainement plus crédibles. Ainsi, par ce détournement de notions, l’auteur a réussi à « asseoir » son mensonge titanesque selon lequel 50 millions de personnes seraient décédées de « persécutions » sous l’ère Mao Zedong. 

Cependant, toute personne dotée de logique peut déceler l’absurdité de l’argument de l’auteur en faisant quelques recherches historiques : la population de la Chine était de 400 millions en 1900, et de 542 millions en 1949, année où la République populaire de Chine a été fondée, soit seulement 142 millions d’habitants de plus en 50 ans. Cette situation est due à l’agression des militaristes japonais contre la Chine, qui a tué 21 millions de soldats et civils chinois, et blessé 14 millions d’autres en l’espace de 14 ans. Autrement dit, le lourd bilan humain de la guerre a fait que la population chinoise n’a augmenté que de 142 millions en un demi-siècle. En 1980, la population chinoise s’est élevée à 987 millions d’habitants. Cela signifie qu’au cours des 30 années qui ont suivi la fondation de la Chine nouvelle, soit les trois décennies de l’ère Mao Zedong, la population chinoise a augmenté de 445 millions d’habitants. Si, selon l’auteur de l’article, « 50 millions de personnes sont mortes sous le régime de Mao », comment est-il possible que la population ait augmenté plus vite (445 millions contre 142 millions) sur une période plus courte (30 ans contre 50 ans) avec un « plus grand nombre de morts » que pendant la guerre de résistance contre l’agression japonaise ? Selon le bon sens, un plus grand nombre de décès non naturels devrait conduire plutôt à un taux de croissance démographique plus faible ! Qui plus est, il s’agit d’une période beaucoup plus courte. 

Si nous consacrons tant d’espace à analyser cette question en détail, c’est parce que depuis longtemps, certaines forces anti-chinoises en Occident ont fabriqué de nombreux mensonges et désinformations au nom de la recherche historique, afin de salir la Chine nouvelle, de vilipender le Parti communiste chinois et de diaboliser Mao Zedong, le fondateur de la Chine nouvelle. Ce qu’ils ont fait est tout aussi absurde et infâme que le « mensonge du siècle » qu’ils fabriquent aujourd’hui selon lequel le gouvernement chinois commettrait un « génocide » au Xinjiang.

Malgré les nombreux faits et chiffres cités dans l’article qui peuvent démontrer les énormes réalisations de la Chine en matière de développement, l’auteur finit toujours par tirer des conclusions contraires. À titre d’exemple, l’article clame que la Chine « donne la priorité à l’idéologie sur la croissance, au pouvoir du parti communiste sur l’innovation, à la constitution d’un bloc autoritaire sur la mondialisation qui a favorisé son émergence ». Si la Chine était vraiment ce qu’il prétend être, comment a-t-elle pu se développer au point où elle en est aujourd’hui ? Autre exemple, l’article affirme que la Chine « non démocratique » peine à s’ériger en modèle à l’étranger, et subit des révoltes contre sa prédation d’actifs qui accompagne les «nouvelles routes de la soie», ce qui a provoqué le chaos du Sri Lanka. 

Tout cela est-il vrai ? Quelques données simples suffisent à réfuter ces allégations. Concernant la croissance, cet article contient déjà beaucoup de passages là-dessus, comme « La croissance a atteint 9,7 % par an entre 1978 et 2019 ; Son poids dans le PIB mondial est passé de 3 % à 18 % depuis 1975, avec une richesse par habitant qui a progressé de 500 à plus de 18 000 dollars, permettant à 800 millions de Chinois de sortir de la pauvreté absolue. Le pays agricole et autarcique s’est transformé en usine du monde et en premier exportateur de la planète, accumulant plus de 3 000 milliards de dollars de réserves de change ». Concernant le dynamisme de l’innovation, le rapport de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a classé la Chine au 11e rang mondial en termes de capacité d’innovation globale en 2022, soit un bond de 23 places par rapport à 2012. Concernant la prétendue « crise de la dette des pays en développement causée par la Chine », les données montrent que la part de la dette des pays en développement provenant des institutions financières multilatérales et des créanciers commerciaux occidentaux dépasse 80 %, illustrant que les principaux créanciers des pays en développement sont plutôt l’Occident, et non la Chine. Quant à la résistance présumée à l’initiative « Ceinture et Route », en 2022, le commerce de la Chine avec les pays partenaires de l’initiative a augmenté de 19,4 % en glissement annuel, l’investissement direct non financier de la Chine dans ces pays s’est accru de 7,7 %, et l’investissement réel de ces pays en Chine a augmenté de 17,2 %. Qui dit la vérité ? Les données sont claires et les faits parlent d’eux-mêmes.

Cet article prétend par ailleurs que les dirigeants chinois depuis l’époque moderne, de Sun Yat-sen à Tchang Kaï-chek, de Mao Zedong à Xi Jinping en passant par Deng Xiaoping, ont toujours partagé la conviction que la Chine ne peut être gouvernée que par un régime dictatorial. C’est faux ! Dès le premier jour de sa fondation, le Parti communiste chinois s’est donné pour mission de lutter pour les droits du peuple chinois à la démocratie et à la liberté. Ce sont les puissances impérialistes occidentales, les envahisseurs militaristes japonais et le régime dictatorial de Tchang Kaï-chek qui ont piétiné et refusé au peuple chinois ses droits à la démocratie et à la liberté. Pendant les années de guerre déjà, le Parti communiste chinois s’est mis à explorer des formes de démocratie populaire dans les bases d’appui révolutionnaires de Yan’an et, après la fondation de la Chine nouvelle, il a déployé des efforts ardus pour explorer une voie de développement de la démocratie socialiste. À notre avis, pour juger si le système politique d’un pays est démocratique et efficace, il faut surtout savoir si la classe dirigeante de ce pays se renouvelle de façon légale et ordonnée, si toute la population gère en vertu de la loi les affaires de l’État, les affaires sociales, les activités économiques et culturelles, si le public exprime librement ses exigences d’intérêt, si tous les secteurs sociaux participent de façon efficace à la vie politique de l’État, si ce dernier prend des décisions de manière scientifique et démocratique, si les talents des divers secteurs entrent dans le système de direction et de gestion de l’État par le biais de concurrence loyale, si le parti au pouvoir dirige les affaires de l’État en fonction de la Constitution et des lois, et si l’exercice du pouvoir est restreint et supervisé de façon efficace.

Les pays occidentaux ont l’habitude de mépriser avec condescendance la politique démocratique socialiste aux caractéristiques chinoises, la dénonçant comme un régime « autoritaire » ou une « dictature » et prétendant à tort que le peuple chinois n’a pas de droits démocratiques. Cependant, pour juger de la question de savoir si le peuple jouit de droits démocratiques, il faut savoir s’il a le droit de voter aux élections, mais également savoir s’il a le droit à une participation soutenue à la vie politique quotidienne ; il faut savoir s’il possède le droit à l’élection démocratique, mais également savoir si ce droit inclut la prise de décision, la gestion et la supervision démocratiques. Il est extrêmement important de faire en sorte que les représentants du peuple élus en vertu de la loi gèrent les affaires de l’État et la vie sociale. Il est également important de faire en sorte que le peuple gère ces affaires par le biais des systèmes et moyens en plus de l’élection. Si le peuple n’a que le droit de vote, mais pas celui à la participation à grande échelle, et s’il n’est réveillé que pour voter puis passe dans une période de sommeil, alors une telle démocratie est purement hypocrite et formaliste. Grâce à plusieurs décennies d’efforts, le Parti communiste chinois a réalisé des progrès décisifs dans chacune de ces questions importantes. Des dispositions institutionnelles ont été prises pour permettre au peuple de participer à l’ensemble des processus d’élections, de consultations, de prise de décision, de gestion et de supervision démocratiques. Nous appelons cela la démocratie populaire à processus complet.

En raison de ses spécificités, chaque pays dispose d’un système politique particulier, choisi par son peuple et résultant d’une évolution longue, progressive et endogène, basé sur son histoire, ses traditions culturelles et son développement économique et social. Si le système politique du socialisme à la chinoise est réalisable, efficace et plein de vitalité, c’est parce qu’il grandit sur le terreau de la société chinoise. Le système politique d’un pays dépend de sa base économique et sociale, et en même temps, réagit à celle-ci et joue même un rôle décisif. Le Parti communiste chinois s’est engagé dans le socialisme depuis plus de 70 ans et a transformé une Chine extrêmement pauvre et arriérée, occupant la place de lanterne rouge parmi tous les pays, en la deuxième économie du monde. Cela ne suffit-il pas à illustrer la réussite du système démocratique socialiste à la chinoise ?

Trois raisons majeures peuvent expliquer le succès de Quand la Chine s’éveillera... le monde tremblera de Peyrefitte en tant qu’ouvrage classique sur la Chine qui a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire. Premièrement, écrit pendant la guerre froide, ce livre a su transcender le fossé idéologique entre les blocs de l’Est et de l’Ouest. Malgré de nombreuses divergences de vues, Peyrefitte a toujours tenu à observer la Chine avec une perspective ouverte, à comprendre les différences avec inclusivité et respect, et à préconiser le développement de la coopération. Deuxièmement, ses études sur la Chine sont basées sur un grand nombre d’études approfondies sur le terrain. Entre 1971 et 1999, Alain Peyrefitte s’est rendu en Chine à 18 reprises et s’est personnellement impliqué dans les échanges et coopérations sino-français dans des domaines aussi divers que la politique, la culture et l’histoire. Quand la Chine s’éveillera est ainsi le fruit de ses visites dans six provinces chinoises et de ses trois entretiens avec les dirigeants chinois. Troisièmement, lorsque Peyrefitte parle de la Chine, il prend soin de rechercher des matériels historiques et aborde les réalités de la Chine en étant conscient de son passé d’un côté, et de l’autre, il accorde une grande importance aux points de vue des Chinois eux-mêmes, tirant des conclusions à travers des échanges avec un grand nombre de Chinois ordinaires. Autrement dit, il a su se mettre à la place des autres plutôt que d’imposer ses vues et de mesurer les choses en Chine à l’aune des normes occidentales. 

En revanche, certains prétendus « sinologues » d’aujourd’hui étudient la Chine avec un préjugé idéologique, s’appuient sur des documents de deuxième voire de troisième main soigneusement transformés par les États-Unis, et analysent la Chine avec une présomption de culpabilité. Par conséquent, les conclusions qu’ils tirent sont certainement à des lustres de la réalité, voire dépourvues de bon sens. Bien entendu, la plupart des chercheurs français sont rigoureux et d’esprit indépendant. Ces dernières années, la mobilité humaine et les échanges entre la Chine et la France à tous les niveaux ont été considérablement réduits par l’impact de la pandémie de la COVID-19. Avec l’amélioration de la situation sanitaire, nous nous attendons à ce que davantage d’universitaires français aillent en Chine, la regardent de leurs propres yeux, l’écoutent de leurs propres oreilles et portent leurs propres jugements sur la Chine avec leur perspicacité. Nous espérons voir plus de « Peyrefitte » en France pour amener le monde à connaître une vraie Chine et construire des passerelles de coopération et de paix entre l’Orient et l’Occident.


Suggest To A Friend
  Print