(Brasserie Fouquet’s, 26 septembre 2024)
Monsieur Alexandre Barrière,
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Bonsoir à tous !
Tout d'abord, je tiens à remercier Alexandre. Grâce à vous, ce dîner annuel du groupe Barrière en célébration de la Fête de la mi-automne est devenu une plateforme importante permettant à la communauté des affaires d'échanger des points de vue sur des sujets liés à la coopération Chine-UE. Les Chinois ont cette tradition de se retrouver avec la famille et des amis pendant le festival de la mi-automne pour admirer la pleine lune et manger des gâteaux de lune pour passer un moment d’échange agréable. Ce soir, je voudrais partager avec vous quelques de mes réflexions, de manière décontractée, autour des sujets qui vous intéresseraient.
Tout d'abord, l’état de l’économie chinoise.
L’année dernière, à la même occasion, j'ai utilisé les mots « reprise », « amélioration » et « stabilité » pour décrire l'économie chinoise post-covid. Une année s'est écoulée depuis, et les chiffres m’ont donné raison. Je m’explique en deux dimensions: l’état actuel de l’économie chinoise et les perspectives.
Actuellement, l’économie chinoise progresse dans la stabilité, marquée par une amélioration qualitative et quantitative.
Premièrement, les fondamentaux économiques restent sains. En 2023, la Chine a enregistré une croissance de PIB de 5,2% et contribué à plus de 30% à la croissance mondiale, dont elle reste le plus grand moteur. De janvier en juin 2024, l'économie chinoise a maintenu une bonne dynamique, avec, par rapport à la même période de 2023, des croissances de PIB de 5,0% et de valeur ajoutée industrielle de 6,0%. Le taux de chômage a continué à baisser jusqu’à 5,1%.
Deuxièmement, l'ouverture de haut niveau se poursuit en profondeur. Au cours du premier semestre 2024, le volume total d’import-export de marchandises en Chine a atteint le chiffre record de 21,2 mille milliards de yuans RMB, ce qui représente environ 14% du volume mondial. La Chine a attiré près de 500 milliards de yuans d'investissements étrangers, un chiffre élevé pour la dernière décennie. Près de 27 000 entreprises étrangères ont été nouvellement créées en Chine, soit une augmentation de 14,2% en glissement annuel. Le nombre des passagers sortis du sol chinois ou entrés s’élève à 287 millions, soit une augmentation de 71% en glissement annuel.
Dans l’avenir, les forces en faveur du développement économique de haute qualité en Chine continuent de s'accumuler et la tendance vers le haut s’avère soutenue.
Premièrement, les bases matérielles sont plus solides. Le système d’industrie manufacturière de super-grande échelle est notre plus grand atout. La valeur ajoutée manufacturière de la Chine occupe 30% du total mondial en 2023, mettant le pays au premier rang mondial pendant 14 années consécutives; l'indice des directeurs d'achat (PMI) de l'industrie manufacturière a continué à se redresser, jusqu’à 50,4 en août dernier. Le réseau d'infrastructures est bien connecté, le réseau TGV, le réseau autoroutier, le réseau postal et de livraison express et le complexe portuaire de classe mondiale de la Chine sont les plus grands au monde. Le nombre des stations de base 5G dépasse 3,5 millions, et le système de navigation par satellite Beidou couvre plus de 230 pays et régions.
Deuxièmement, le potentiel du méga-marché continue d'être libéré. Le marché de la demande intérieure de la Chine se range parmi les marchés les plus porteurs et potentiels dans le monde. En termes de volume, les ventes au détail de biens de consommation ont dépassé 47 000 milliards de yuans l'année dernière, dont plus de 13 000 milliards en ligne. La Chine reste solidement le deuxième plus grand marché de consommation et le plus grand marché de vente en ligne dans le monde. En termes de structure, les nouvelles formes et les nouveaux modes de consommation ont stimulé les potentialités. L'année dernière, les ventes de voitures ont dépassé 30 millions d'unités, dont un tiers sont les véhicules à énergie nouvelle, les ventes de smartphones ont atteint 270 millions d'unités, et le volume des livraisons express a dépassé les 130 milliards de pièces, soit près de 100 pièces par habitant. La demande intérieure a contribué à hauteur de 86,1% à la croissance économique au cours du premier semestre de cette année, demeurant le principal moteur de la croissance économique chinoise.
Troisièmement, le rôle de premier plan de l'innovation scientifique et technologique ne cesse de croître. À la fin de l'année dernière, les entreprises chinoises de haute technologie se comptaient par plus de 460 000 et l'indice mondial d'innovation en Chine a atteint la 12e place. Au cours des huit premiers mois de cette année, les investissements dans l'industrie de haute technologie ont augmenté de 10,2% en glissement annuel, et la production de circuits intégrés, de robots de service, de véhicules à énergie nouvelle, de batteries solaires et d'autres nouveaux produits intelligents et verts a maintenu une croissance à deux chiffres. Bloomberg prévoit que la part des industries technologiques en Chine devraient atteindre 23 % du PIB d'ici 2026.
Les invités ici présents sont tous directement impliqués dans la coopération économique et commerciale Chine-UE. Je pense que vous avez votre propre jugement objectif sur la situation économique de la Chine. Cependant, il existe également en Europe un groupe de soi-disant « experts de la Chine » qui, au mépris des faits, parlent pendant des décennies du déclin de l'économie chinoise. Par exemple, certains d’entre eux affirment que l'économie chinoise a atteint son apogée, l'argument principal étant que le taux de croissance de 5,2% de l'année dernière est trop faible. Mais si on fait une comparaison avec le monde entier, ces dernières années ont connu la croissance économique mondiale la plus lente, et tous les pays sont en difficultés. L'année dernière, l'Allemagne et le Japon ont été tombés dans la récession et la croissance française n’était que de 0,7%. Les États-Unis ont annoncé une croissance de 2,54%, à supposer que leurs statistiques soient crédibles. La Chine a déjà obtenu de bonnes notes quant à sa croissance économique. Et si on adopte une vision historique, on peut dire que cette croissance de 5,2% a été réalisée à la période où la Chine passe d'une croissance à grande vitesse à un développement de haute qualité, et qui plus est, sur la base d’un énorme volume économique existant. Cela n’a pas été chose facile. Il y a aussi des soi-disant « experts » qui disent que l'économie chinoise est en grande difficulté. Comme tous les pays, l'économie chinoise a ses propres difficultés dans le processus de son développement, mais celles-ci peuvent être réglées par des efforts. Nous devons voir ces questions dans leur évolution. Par exemple, il y a deux ans, certains prédisaient que le problème de l'immobilier entraînerait l’effondrement de l'économie chinoise, mais récemment, la Citibank a indiqué que grâce à une série de mesures de régulation, l'immobilier chinois était en train d'amorcer un atterrissage en douceur. En fait, c’est en réglant sans cesse des problèmes que l'économie chinoise se développe et nous n’avons jamais eu peur des problèmes et des défis.
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Nous vivons une période de mutation. Les changements du siècle s'accélèrent, les conflits géopolitiques débordent, la mondialisation connaît un contre-courant et l'incertitude quant aux perspectives économiques mondiales s'accroît. C'est aussi une époque où les transformations se préparent. Face au changement, certains pays ont choisi d’agir au grand dam de leurs voisins et de se défausser de leurs problèmes internes sur les autres pays. Il y a aussi des pays comme la Chine, qui ont choisi d’entreprendre une opération sur soi-même et de relever les défis grâce à des réformes ardues.
La Chine entre dans une nouvelle ère de réformes. Trois troisième plénums du Comité central du PCC ont fait date : en 1978, le troisième plénum du onzième Comité central a lancé une nouvelle période de réforme, d'ouverture et de modernisation socialiste ; en 2013, le troisième plénum du dix-huitième Comité central a entamé une nouvelle marche d'approfondissement global de la réforme de la nouvelle ère, mettant l’accent sur la conception et la promotion systématiques et holistiques de la réforme. Le troisième plénum du vingtième Comité central, qui s'est tenu en juillet dernier, a établi un plan exhaustif pour approfondir la réforme sur tous les plans, annonçant l'arrivée de l'ère 3.0 de la réforme de la Chine.
Le fruit le plus important de ce plénum a été l'examen et l'adoption de la « Décision du Comité central du Parti Communiste Chinois relative à l’approfondissement plus poussé de la réforme sur tous les plans en vue de promouvoir la modernisation chinoise ». Je voudrais vous présenter brièvement le contenu principal de la Décision en trois points :
Premièrement, l’approfondissement de la réforme sur tous les plans. La Chine est entrée dans une zone d'eaux profondes pour ses réformes. Les plus faciles étant accomplies, les restant sont les plus difficiles à attaquer, et plus exigeants en ce qui concerne le caractère systématique, global et coordonné de la réforme, ce qui est également une caractéristique majeure des réformes actuelles. La Décision a défini clairement la feuille de route et le calendrier des réformes, proposé plus de 300 mesures de réforme d’ordres institutionnel, mécanique et systémique, en identifiant la réforme du système économique comme la force pilote, en se concentrant sur sept domaines majeurs, dont l'économie, la politique, la culture, la société, l'écologie, la sécurité et la construction du Parti, et fixé la date butoir d'achever ces tâches de réforme d’ici 2029, c'est-à-dire au 80e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine.
Deuxièmement, l’ouverture sur l’extérieur de haut niveau. L’ouverture est une marque distinctive de la modernisation à la chinoise. La Décision souligne que la réforme et l'ouverture sont complémentaires et qu'il est nécessaire d'adhérer à la politique nationale fondamentale d'ouverture au monde extérieur et de promouvoir la réforme par l'ouverture. De l'intensification de l'ouverture systématique à la facilitation de l'accès au marché, en passant par la garantie du traitement national et des droits et intérêts légitimes des entreprises à capitaux étrangers, la Décision a prévu une série de dispositifs concrets en matière d'ouverture. Face aux défis posés par un environnement extérieur plus instable et incertain, la Chine continuera d'accueillir le monde à bras ouverts et d'accroître la profondeur et l'ampleur de son ouverture dans le cadre de la promotion des « doubles circulations » économiques tant à l’intérieur qu’à l’internationale.
Troisièmement, un développement de haute qualité. La Décision souligne que le développement de haute qualité est la tâche principale de la Chine dans la construction globale d'un pays socialiste moderne, annonce des dispositifs majeurs du perfectionnement du mécanisme institutionnel pour la promotion du développement économique de haute qualité, de la construction d'un mécanisme institutionnel pour soutenir l'innovation globale, et du perfectionnement du système de gouvernance macroéconomique, et propose un train de mesures concrètes dans les domaines de l'économie numérique et de l'économie verte. Avec un développement de haute qualité, la Chine continuera à forger des forces motrices de développement et à ouvrir de nouveaux domaines et de nouvelles pistes pour une coopération gagnant-gagnant avec le reste du monde.
La Décision est très riche en contenu et je vous propose de la lire, car vous trouverez des réponses claires à vos questions sur le développement futur de la Chine. Actuellement, autour des réformes proposées dans la Décision, le Comité central du PCC et les départements gouvernementaux pertinents redoublent d'efforts pour introduire des politiques concrètes, et une série de mesures ont été mises en œuvre ou sont sur le point de l'être. Je pense que vous pourrez bientôt voir les fruits des réformes.
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
La Chine s’est engagée dans un nouveau cycle de réformes, et la France et l'Europe avancent aussi sur le chemin de la réforme. Pour être franc, je pense que les réformes menées en Europe ces dernières années n'ont pas abouti. Au cours du premier semestre de cette année, le South China Morning Post de Hong Kong a fait un bilan de la réalisation du projet « Made in China 2025 », sorti en 2015, et a eu comme conclusion que le projet avait été réalisé à 86%. En comparaison, l'« Industrie 4.0 » lancée en Allemagne à la même époque semble peu progresser. Si je cite cet exemple, ce n'est pas pour narguer l'Europe, mais pour dire que la réforme européenne reste beaucoup à désirer. Récemment, l'ancien Premier ministre italien Mario Draghi a soumis un rapport à la Commission européenne, dans lequel il a mené une réflexion profonde sur le déclin de la compétitivité de l'Europe et proposé 170 programmes de réforme ambitieux, ce qui a fait l’objet de vastes discussions. Nous espérons que la partie européenne parviendra rapidement à un consensus sur les orientations de la réforme afin d’en favoriser la mise en œuvre. J'ai personnellement quelques observations et réflexions sur la compétitivité de l'Europe, et je vous les fais partager ici en tant que référence.
Premièrement, investir plus dans la recherche et le développement scientifique et technologique. Pour saisir les opportunités de développement au seuil d'une nouvelle révolution industrielle, il est nécessaire d'augmenter les investissements dans la recherche et le développement scientifique et technologique. L'approche de la Chine, c’est d’allier le rôle du marché à celui du gouvernement, en s’appuyant sur le rôle décisif du marché dans la distribution des ressources de même que le rôle du gouvernement dans le macro-contrôle et la planification stratégique. C’est l'atout du système socialiste chinois. L'Europe dispose d'un grand atout en matière de capitaux privés et peut explorer les moyens d’en mobiliser pleinement. Nous aurons aussi le plaisir de voir l'Europe s'inspirer du modèle chinois, mais l'essentiel est de miser sur l'investissement à long terme.
Deuxièmement, sortir de la zone de confort. Ces dernières années, l'opinion publique européenne semble avoir tendance à blâmer la Chine pour tous les problèmes auxquels l'Europe est confrontée. Mais en réalité, aucun des problèmes comme le dilemme des réformes en Europe, la crise énergétique, le retard de la numérisation et de l'industrie des nouvelles énergies, n’est causé par la Chine. Nous comprenons tous très bien que c'est la compétitivité de l'Europe qui est en panne, et que l’Europe ne peut plus gagner de l'argent aussi facilement que par le passé face à la forte concurrence chinoise. Mais ce n'est pas la faute de la Chine. Devant la nouvelle révolution industrielle, la concurrence mondiale a déjà changé de piste. Pour se faire une place, il faut être prêt à subir les souffrances et suer sang et eau pour travailler. Blâmer les autres n'est jamais un geste sage.
Troisièmement, poursuivre fermement l'ouverture et la coopération. Prenons l'exemple des spéculations des médias européens sur la « surcapacité de la Chine ». Tous ceux munis de connaissance rudimentaire économique savent que, dans le contexte de la mondialisation, la « surcapacité » d'un pays est une fausse question. Si on veut parler de surcapacités, alors pourquoi ne pas commencer par les avions Airbus, les voitures thermiques et le vin européens? La soi-disant « surcapacité » n'est rien d’autre qu'un subterfuge pour fermer la porte à la Chine. Sachons que la 5G, les voitures électriques et l'industrie des nouvelles énergies de la Chine représentent une capacité de production avancée, et fermer la porte à la Chine signifie fermer la porte à de nouvelles opportunités de développement. L'Histoire nous enseigne que le protectionnisme ne protège rien que le retard, et que le repli sur soi ne fera que perdre le monde entier. J'espère que l'Europe fera le bon choix.
Mesdames et Messieurs,
Chers amis,
Les relations économiques et commerciales entre la Chine et l'UE se heurtent à des problèmes temporaires, c’est inévitable. Mais je pense qu'ils peuvent tous être réglés par des efforts conjoints, et que les perspectives de coopération entre les deux parties sont brillantes. Du point de vue chinois, la poursuite de la réforme et de l'ouverture de la Chine apportera davantage d'opportunités au monde, y compris à la France et à l'Europe. Au regard des relations sino-européennes, la forte complémentarité des deux économies reste inchangée, de même que la détermination de la Chine à aller dans la même direction avec l'Europe sur la voie du développement. Au niveau des relations sino-françaises, cette année marque le 60e anniversaire de l'établissement des relations diplomatiques entre les deux pays, la visite du président chinois Xi Jinping en France a permis de porter les relations bilatérales à une nouvelle hauteur, et diverses célébrations ont donné un nouvel élan aux échanges socio-culturels bilatéraux. Les hommes d'affaires chinois et français peuvent tout à fait avoir pleinement confiance en les perspectives de la coopération Chine-France et Chine-Europe. J'espère que vous continuerez à prêter attention à la coopération Chine-France et Chine-Europe et à la cultiver en profondeur, et que vous contribuerez, par votre sagesse et votre énergie dans vos propres affaires, à l’élargissement de la coopération Chine-France et Chine-Europe.
Je vous remercie !