Le 12 juin 2024, l’Ambassadeur LU Shaye a participé sur invitation à la cérémonie d’ouverture du Forum « 60 ans de relations Chine-France » organisé par Sciences Po Alumni et y a prononcé une allocution. D’autres invités chinois et étrangers ont aussi participé au Forum, dont le Directeur d’Asie et d’Océanie du Ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères Benoît Guidée et l’ancienne Ambassadrice de France en Chine Sylvie Bermann. Voici l’intégralité de l’allocution de l’Ambassadeur LU Shaye :

Monsieur le Directeur général de Sciences Po Alumni Bernard El Ghoul,

Monsieur le Directeur Benoît Guidée,

Madame l’Ambassadeur Sylvie Bermann,

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Bonjour. C’est un grand plaisir pour moi de venir à Sciences Po pour le Forum « 60 ans de relations Chine-France ».

Récemment, le président Xi Jinping a effectué sa troisième visite d’État en France. Les chefs d’État chinois et français ont eu un long échange stratégique de haut niveau à Paris et en Hautes-Pyrénées. Ils sont convenus de construire, dans une ère nouvelle, des relations sino-françaises caractérisées par la confiance mutuelle, la stabilité, la fidélité, l’innovation et le sens des responsabilités. Nos deux pays ont publié quatre déclarations conjointes sur la situation au Moyen-Orient, l’intelligence artificielle et sa gouvernance mondiale, la biodiversité et l’océan, ainsi que les échanges et la coopération agricoles, et ont signé près de 20 accords de coopération intergouvernementale, permettant d’approfondir et de consolider davantage le partenariat global stratégique sino-français. Cette visite a marqué le point d’orgue des célébrations du 60e anniversaire des relations diplomatiques sino-françaises, et ouvert un nouveau cycle pour les 60 prochaines années de relations entre nos deux pays.

Il y a 60 ans, avec une vision stratégique hors du commun, le président Mao Zedong et le président Charles de Gaulle ont pris la décision historique d’établir des relations diplomatiques entre la Chine et la France. Les 6 dernières décennies ont prouvé la justesse de la décision des deux grands hommes. Au fond, c’est parce qu’elle se tenaient du bon côté de l’Histoire. C’est aussi la raison pour laquelle les relations sino-françaises montrent aujourd’hui toujours autant de vitalité et de dynamisme. À mon avis, face aux nouveaux défis posés par des transformations séculaires et inédites du monde, la Chine et la France devraient puiser la sagesse dans le passé et continuer à se tenir du bon côté de l’Histoire. Concrètement, il faut s’attacher à quatre principes essentiels :

Premièrement, la juste perception de l’autre. La philosophie chinoise préconise « l’unité entre la perception et l’action ». La « perception » est le préalable à l’« action », et l’« action » est le résultat de la « perception ». Ce n’est que lorsqu’il y a une juste perception mutuelle qu’il peut y avoir une bonne entente. En toute franchise, ces dernières années, nous assistons en France, en Europe et en Occident dans son ensemble à une perception biaisée de la Chine, sur la base de laquelle, l’Union européenne a mis en avant un « triptyque » antinomique à l’égard de la Chine, ce qui a entraîné beaucoup de perturbations et de difficultés au développement des relations sino-françaises et sino-européennes. Cependant, les faits ont prouvé à répétition que l’émergence de la Chine est porteuse d’opportunités plutôt que de menaces et qu’elle contribue à la croissance des forces pacifiques. Il n’y a pas de conflit d’intérêts fondamentaux ou de différends géostratégiques entre la Chine et la France ou l’Europe. Eu égard à l’avenir de l’humanité, nos relations devraient et doivent être guidées par la coopération. Nous espérons que la Chine, la France et l’Europe renforceront leur dialogue dans tous les milieux, en particulier les échanges en face à face, pour faire tomber les barrières, distinguer le vrai du faux, et consolider les fondations de nos relations par une juste perception mutuelle.

Deuxièmement, le respect réciproque. Ce que j’ai vu et entendu au cours des 5 dernières années en France m’a fait de plus en plus sentir que « la Chine et la France ont le même tempérament ». En particulier, les Chinois et les Français ont tous une forte fierté nationale et nos deux pays attachent tous un prix élevé à la souveraineté. La partie chinoise a toujours respecté la souveraineté et l’intégrité territoriale de la France et ne s’est jamais ingérée dans ses affaires intérieures. Pour la Chine, seul des 5 membres permanents du Conseil de Sécurité qui n’a pas encore réalisé la réunification complète du pays, la souveraineté et l’intégrité territoriale revêtent une signification particulière. Ce qui est regrettable, c’est que certains politiciens et médias occidentaux, au mépris des faits, ont délibérément déformé des questions mettant en jeu la souveraineté chinoise, telles que les questions liées à Taiwan, au Xinjiang, au Xizang et à Hong Kong, pour en faire des questions de « démocratie », de « liberté » ou de « droits de l’homme », s’ingérant ainsi dans les affaires intérieures de la Chine, blessant les sentiments du peuple chinois et altérant l’ambiance des relations sino-françaises et sino-européennes. La Chine apprécie l’attachement constant du président Emmanuel Macron à la politique d’une seule Chine. Elle entend continuer à travailler avec la France dans le respect réciproque des intérêts vitaux, se traiter d’égal à égal et approfondir la confiance mutuelle, de manière à raffermir la stabilité stratégique des relations entre la Chine et la France et entre la Chine et l’Europe.

Troisièmement, le gagnant-gagnant. Au cours des 60 dernières années, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et la France a été multiplié par 800 et n’a cessé de monter en gamme, au grand bénéfice des deux peuples. Aujourd’hui, notre coopération traditionnelle dans l’aéronautique, l’aérospatiale et le nucléaire civil continue de se consolider, tandis que notre partenariat dans les secteurs émergents comme l’agroalimentaire, l’industrie verte et l’économie numérique est en plein essor. L’année dernière, la Chine a importé environ 6 milliards d’euros de produits agricoles français, soit une hausse de 50,5 % par rapport à 2019. De nombreuses entreprises chinoises spécialisées dans les énergies nouvelles construisent en France de nouveaux sites de production, mettant la dynamique d’innovation chinoise au service de la transition verte française. Les faits ont prouvé que la complémentarité des atouts économiques de nos deux pays n’a pas changé, et que la nature fondamentalement gagnant-gagnant des relations économiques sino-françaises n’a pas changé. Les opportunités créées par la coopération sino-française sont bien plus importantes que les risques. Et le plus grand risque, c’est l’absence de coopération.

Récemment, on parle beaucoup de la hausse des droits de douane de l’UE sur les voitures électriques chinoises. Nous avons également remarqué que de plus en plus de voix en France et en Europe estiment que la décision européenne n’est pas raisonnable, car elle ne résoudra pas le problème de compétitivité de l’industrie automobile verte européenne, ne favorisera pas la transition écologique ni les intérêts des consommateurs de l’Europe, et de surcroît n’est pas conforme au principe de libre-échange défendu par l’Europe. Qui plus est, les allégations de l’UE concernant les énormes subventions aux véhicules électriques chinois sont infondées. La Chine l’a expliqué très clairement lors des consultations avec l’UE. La Chine prendra bien sûr des mesures nécessaires pour préserver ses intérêts. En même temps, nous sommes d’avis que les frictions actuelles peuvent totalement être résolues par le dialogue et les négociations. Nous espérons et sommes convaincus que la Chine et la France peuvent y contribuer en apportant leur sagesse.

Quatrièmement, le bien commun du monde. La Chine et la France sont deux nations à la fois indépendantes et soucieuses du bien commun du monde. Aujourd’hui, face à l’exacerbation des tensions géopolitiques et des risques de confrontation, la Chine et la France devraient démontrer leur engagement en tant que grands pays et s’unir pour résister, comme il y a 60 ans, à la mentalité de la guerre froide et à la confrontation, et contribuer à promouvoir la paix et la stabilité dans le monde.

Sur la crise ukrainienne, la Chine et la France ont certes des points de vue différents, mais nos deux pays se retrouvent sur l’orientation générale de la solution. Tous les deux, nous souhaitons éviter l’escalade et le débordement du conflit, nous espérons voir la guerre s’arrêter et la paix se rétablir en Europe, et nous sommes en faveur d’une solution politique à cette crise ukrainienne. Sur la question du Moyen-Orient, la Chine et la France partagent une large convergence de vues. Lors de la visite du Président Xi Jinping en France, nos deux pays ont publié une déclaration commune condamnant toutes les violations du droit international humanitaire et appelant à une relance décisive et irréversible d’un processus politique afin de mettre en œuvre concrètement une solution à deux Etats, ce qui a trouvé un écho positif sur la scène internationale. Nous sommes conscients que le chemin vers la paix est cahoteux et semé d’embûches. Mais nous ne pouvons pas nous désister tant qu’il reste une lueur d’espoir. La Chine entend continuer à travailler avec la France dans le même sens, valoriser pleinement nos influences et nos atouts respectifs pour rassembler toutes les forces en faveur de la paix et de la justice, afin de trouver une solution judicieuse dans les meilleurs délais.

Mesdames et Messieurs, chers amis,

Sciences Po est non seulement un établissement d’enseignement supérieur de premier ordre, qui a formé de nombreux hommes d’État remarquables français et étrangers, mais aussi un temple où l’on cultive les idées et recherche la vérité. Au nom de l’Ambassade de Chine, je tiens à remercier Sciences Po Alumni pour avoir organisé ce forum. Je n’ai aucun doute qu’à travers les échanges approfondis d’aujourd’hui, vous contribuerez par vos réflexions utiles à un meilleur développement des relations entre nos deux pays, et vous apporterez des briques à l’édifice de l’amitié sino-française.

Pour terminer, je souhaite un plein succès à ce forum.

Je vous remercie.